"Que justice soit faite ! Ça ne ramènera pas nos morts. Mais ce sera peut-être la lumière tant attendue au bout du tunnel", a fini Valentine Juttner la jeune avocate niçoise au terme de la dernière journée des plaidoiries des parties civiles. Une journée remplie d’émotions et quelques larmes, y compris sur les bancs des avocats. Depuis le 23 novembre, une centaine d'avocats des victimes et des endeuillés (sur les quelque 150 représentants les 2.500 parties civiles constituées) ont plaidé devant la cour où sont jugés huit personnes, dont trois pour association de malfaiteurs terroriste (AMT). L'attentat commis au camion-bélier par le Tunisien Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, abattu par la police au terme de sa course meurtrière à bord d'un camion-bélier de 19 tonnes, a fait 86 morts dont quinze enfants et plus de 450 blessés, le 14 juillet 2016 sur la Promenade des Anglais. "Comment s'habituer à ces chiffres ?", se demande Me Juttner avant d'évoquer les "milliers de vies brisées" par ricochet à la suite de l'attentat. Le procès qui s'achève - le verdict est attendu le 13 décembre - n'apportera pas aux parties civiles toutes les réponses qu'elles attendaient, ont reconnu les avocats des parties civiles ces dernières semaines.
Dans le box des accusés, "il n'y a personne pour répondre de l'acte criminel. Il nous faut vivre avec ce vide" et "consentir à la limite qui s'impose à la justice des hommes", avait rappelé Me Sylvie Topaloff. Mais pour elle, l'attentat de Nice "n'est pas une affaire de loup solitaire. D'ailleurs, il n'y a jamais de loup totalement solitaire".
Certains accusés se sont contredits au fil de leurs déclarations. "Le mensonge ce n'est pas un délit, c'est même un droit", dit l'avocate. "Mais, poursuit-elle, dans cette affaire, le mensonge s'est diffusé de partout, même là où il n'avait aucun sens. Le coût de cette stratégie est lourd. Les victimes se sont senties blessées, offensées par ces mensonges". A la fin de l'audience, des avocats se sont succédés pour lire des mots prononcés par les plus de 260 endeuillés, rescapés ou proches de victimes qui sont venus témoigner à la barre du 20 septembre au 21 octobre. Comme un florilège de la douleur.
"Relater les faits de l'assassinat de mon fils unique, Romain, âgé de 10 ans, devant la cour ou les médias, ne m'aurait apporté ni réconfort ni mon fils. Sachez simplement que, le 14 juillet 2016, avant de descendre admirer le feu d'artifice, Romain chantait la Marseillaise sous la douche. A seulement 10 ans, et avec toute son innocence, il avait pleinement conscience de son appartenance à la société française et faisait confiance au monde qui l'entourait", écrit ce père endeuillé dans ce message lu par une des avocates émue des parties civiles. Fait exceptionnel, des parties civiles applaudissent la fin de la plaidoirie de l'avocat de l'Association française des victimes du terrorisme (AFVT), Me Antoine Casubolo-Ferro. Ca ne se fait pas normalement mais le président du tribunal n’en prendra pas ombrage.
Michel Zerbib, envoyé spécial de Radio J au procès de l'attentat de Nice
A lire aussi
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.