Demandez à un Israélien de vous expliquer les critères d'interprétation des juges de la Cour Suprême, sur quoi a porté leur jurisprudence des trente dernières années, ou comment ces magistrats sont désignés, et il est assez probable que, si vous n'êtes pas tombé sur un avocat, votre interlocuteur sera bien en peine de vous répondre. Et pourtant, depuis le 4 janvier, les médias ne parlent guère d'autre chose. Le projet de réforme du système judiciaire, porté par le ministre Likoud de la Justice Yariv Levin, va transformer en profondeur les relations actuelles entre les pouvoirs. Il faudra d'ailleurs de longs mois de travail en commission parlementaire et dans les bureaux ministériels, avant de voir la finalisation de ce que certains considèrent comme une véritable révolution judiciaire.
Mais au-delà du contenu programmatique du ministre de la Justice, c'est le contexte général qui est compliqué. Israël sort à peine de près de quatre années d'une crise politique, qui a débuté en décembre 2018 avec le vote de dissolution de la 20e Knesset. Pour mémoire, les Israéliens ont élu en novembre leur 25e Knesset. Entretemps, le pays a connu cinq élections et trois gouvernements, sans compter les cabinets de transition. On peut comprendre, dans ces conditions, que les Israéliens aspirent à un retour à la stabilité et à la sérénité du débat public, qui n'a fait que se durcir et se polariser au cours des quatre années écoulées. D'autant que la situation économique n'annonce rien de bon pour les mois qui viennent et que l'inflation ne donne pas de signe de décrue et que cet enjeu concerne tout le monde.
Dans ce climat déjà chargé, il n'était peut-être pas absolument indispensable d'ouvrir un nouveau débat public d'une telle ampleur. A la décharge du nouveau gouvernement, il faut reconnaitre que les partis du bloc Netanyahou ont fait campagne sur les réformes qu'ils entendaient réaliser pour rétablir une gouvernance qu'ils estimaient érodée. Mais la société israélienne n'avait peut-être pas besoin de se replonger aussi vite dans les discussions et les disputes sur la couleur démocratique du pays, ou sur les motivations supposées ou réelles de tel ou tel dirigeant. On a vu samedi soir plusieurs dizaines de milliers de personnes défiler à Tel Aviv contre le nouveau gouvernement. Une manifestation en ordre dispersé, où les différents mouvements qui appelaient à la mobilisation n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur un message commun, mais ce rassemblement fourre-tout confirme en tout cas un malaise et une confusion d'une bonne partie du public.
S'il est effectivement important de réparer des institutions qui ne fonctionnent pas au mieux de leurs capacités, il n'est pas moins important de tenir compte de l'humeur et de l'état de fatigue de la population, usée par ces dernières années de chaos politique. On dit qu'il faut parfois diviser pour mieux régner. Mais il faut aussi savoir rassembler pour mieux gouverner. On constate que l'électorat israélien s'est droitisé depuis une vingtaine d'années et qu'aujourd'hui la droite représente plus de 70% de l'opinion. La polarisation est donc plus d'ordre sectoriel ou personnel qu'idéologique. Mais cela ne veut pas dire que les Israéliens ne sont pas attachés à leurs fondements démocratiques. Dans ces conditions, il serait plus utile et judicieux, de la part du chef du gouvernement israélien, d'éviter de nouvelles divisions et de miser sur la voie du dialogue.
Pascale Zonszain
Les Israéliens sont-ils prêts à une nouvelle polémique ?
Israël.
Publié le 09/01/2023 à 09h39 - Par Gabriel Attal
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