Mercredi soir, dès l'annonce du verdict de la Cour Suprême, le Premier ministre Benyamin Netanyahou s'est précipité au domicile d'Arié Derhy, son "frère en détresse", comme il l'a affirmé à la presse. A première vue pourtant, on ne peut imaginer deux personnalités plus différentes. D'un côté, Benyamin Netanyahou, issu de la bourgeoisie ashkénaze, dont le père fut un historien renommé et secrétaire de Zeev Jabotinsky, officier d'une unité d'élite puis formé dans les universités américaines. De l'autre Arié Makhlouf Derhy, né au Maroc, grandi dans la banlieue de Tel Aviv, très vite intégré au monde orthodoxe séfarade, où il reçoit son ordination de rabbin.
Si Arié Derhy est de neuf ans plus jeune, les deux hommes ont entamé leur parcours politique en même temps. Tous les deux entrent au gouvernement d'Itzhak Shamir en 1988, Netanyahou comme vice-ministre des Affaires étrangères, quand Arié Derhy, à 29 ans, devient le plus jeune ministre de l'histoire du pays, en prenant – déjà – le portefeuille de l'Intérieur. Et tous les deux apparaissent comme les étoiles montantes de la politique israélienne.
Et puis, Benyamin Netanyahou, comme Arié Derhy, sont devenus au fil des années, l'incarnation de leurs partis respectifs. Quand le leader du Shas est inculpé puis reconnu coupable de fraude et corruption en 2000, il est condamné à trois ans d'emprisonnement et libéré deux ans plus tard. Mais la traversée du désert d'Arié Derhy en a fait une figure héroïque pour une partie du public séfarade orthodoxe, qui voit en lui une victime de l'élite ashkénaze. Quand il a repris en 2013 ses activités politiques, Arié Derhy a d'ailleurs ajouté à son état-civil son prénom marocain : Makhlouf, comme une revendication identitaire. Et en reprenant la direction du Shas, Arié Derhy poursuit l'alliance avec le Likoud, d'autant que le parti séfarade se place désormais sur le même segment électoral. Avec un seul coup de canif dans le contrat : quand entre 2013 et 2015, Netanyahou lui a préféré le parti de Yaïr Lapid et que le Shas était parti sur les bancs de l'opposition.
Cela dit, la nouvelle version d'Arié Derhy, plus ouvertement nationaliste, mais aussi conservatrice, est un bon complément du Likoud. Au sein du gouvernement et en particulier au cabinet de sécurité, Benyamin Netanyahou pouvait compter sur Arié Derhy comme élément à la fois responsable et modéré, et un spécialiste du compromis, un atout inestimable dans les périodes de crise.
Tous les deux ont aussi réussi à fidéliser une base électorale, prête à les suivre dans toutes les circonstances. Une loyauté, qui frise parfois le culte de la personnalité, et qu'aucun autre politicien israélien actuel n'a réussi à approcher. Et ces deux hommes qui se connaissent donc très bien, ont encore resserré leur alliance, quand Benyamin Netanyahou s'est trouvé à son tour poursuivi par la justice. Non seulement le leader du Shas lui a renouvelé sa confiance, mais il l'a suivi dans l'opposition en 2021 quand Yaïr Lapid et Naftali Bennett ont formé leur coalition, permettant au chef du Likoud de former autour de lui un bloc religieux nationaliste, qui a donc fini par se retrouver au pouvoir. Quelques jours avant les dernières élections, Arié Derhy affirmait : "ceux qui voteront pour moi ou pour Netanyahou, connaissent notre passé, notre présent et notre avenir". Pour l'avenir, c'est évidemment moins sûr.
Pascale Zonszain
Déri et Bibi, les "frères"
Israël.
Publié le 20/01/2023 à 09h27 - Par Gabriel Attal
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