Pourquoi les orthodoxes soutiennent la réforme judiciaire

Israël.

On a tendance à l'oublier quand on répertorie les grandes manifestations de l'histoire politique d'Israël, mais l'un des plus grands rassemblements avait été celui des ultra-orthodoxes en février 1999, contre la Cour Suprême. Elle avait réuni entre 350.000 et 500.000 personnes selon les estimations. Elle ne se définissait pas comme une manifestation, mais comme un rassemblement de prière, même si elle portait bien un message politique : assez de dictature judiciaire. La grogne du public harédi s'exprimait contre les arrêts de la Cour Suprême, qui selon lui, portait atteinte au statu quo entre la religion et l'Etat, défini avant l'indépendance. Les ultra-orthodoxes reprochaient notamment aux juges d'avoir autorisé l'application de la loi civile dans les liquidations de communautés en cas de divorce et l'entrée de représentants des courants non orthodoxes dans les conseils religieux. Depuis, d'autres décisions de la Cour Suprême ont suscité la colère du secteur harédi, en particulier sur le service militaire, la limitation des compétences des tribunaux rabbiniques ou les conversions. Pour les leaders du secteur ultra-orthodoxe, la Cour Suprême peut statuer en faveur de cas individuels, mais elle ne le fait jamais en faveur d'affaires collectives, comme l'avait constaté le député de Yaadut HaTorah Moshe Gafni. Leur analyse est que les juges de la Haute Cour ont tendance à systématiquement invalider des lois ou des mesures administratives qui concernent leur secteur. Ce qui explique leur soutien actuel à la réforme qui vise à limiter les pouvoirs de la juridiction. Et pourtant, cela ne les empêche pas de saisir eux-mêmes la Cour Suprême et d'obtenir gain de cause, par exemple quand l'année dernière, Avigdor Liberman, ministre des Finances du précédent gouvernement avait décidé de réduire les subventions pour les jeunes pères de famille étudiants en yéchiva. Mais ces décisions ne suffisent pas à renverser l'image négative de la Cour Suprême chez les dirigeants du courant ultra-orthodoxe, qui restent convaincus que les juges portent atteinte au statut de l'ultra-orthodoxie comme seule référence valable du judaïsme. L'opposition se situe donc au niveau idéologique. Les partis orthodoxes ne sont pas sionistes. Ils ne se sentent pas concernés par le caractère juif de l'Etat dans sa dimension nationale, mais tiennent à la prédominance de la loi juive sur la loi séculière pour tout ce qui touche à leurs valeurs et à leur mode de vie. Ils voient ainsi depuis une vingtaine d'années les juges de la Cour Suprême retoquer systématiquement toutes les législations ou formules de compromis sur la conscription des jeunes gens ultra-orthodoxes, au motif qu'elles ne respectent pas le principe de l'égalité devant la loi. Il ne peut pas y avoir une règle pour les harédim et une règle pour les autres. En revanche, les partis orthodoxes ont parfaitement assimilé et maitrisent le système politique. C'est donc par la voie législative, qu'ils veulent contrer le pouvoir de la Haute Cour. Si leurs valeurs fondamentales doivent être sanctuarisées par des lois et si nécessaire par des lois fondamentales pour neutraliser la Cour Suprême, alors c'est ce qu'ils feront. D'autant que cela leur permettra de désamorcer les crises politiques que ce genre de situation a déjà généré par le passé. Si les harédim sont moins intéressés par la réforme sur la nomination des juges, puisque de toute façon ils ne statuent pas en fonction de la Torah, en revanche ils tiennent aux dispositions qui réduiront les compétences de la Cour et surtout qui donneront à la Knesset le moyen de revoter une loi invalidée. C'est d'abord pour protéger leurs valeurs que les orthodoxes soutiennent la réforme du système judiciaire. Pascale Zonszain

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