Ressouder les "tribus" d'Israël

Israël.

Il y a bientôt huit ans, le président Reuven Rivlin, qui a précédé Itzhak Herzog à la tête de l'Etat d'Israël, avait prononcé un discours resté célèbre en Israël sous le nom du "discours des tribus". Ruby Rivlin y appelait ses concitoyens à regarder la réalité en face et décrivait un Etat d'Israël composé de "quatre tribus" principales, dont les tailles respectives se rapprochent : les laïcs, les religieux sionistes, les harédim (Juifs ultra-orthodoxes) et les Arabes. Le président y voyait un "nouvel ordre israélien" dans lequel il n'est plus possible de parler d'un rapport majorité/minorité (sionistes laïcs face à tous les autres), et qu'il fallait désormais concevoir en termes de "partenariat" entre les différents segments, afin qu'ils trouvent un dénominateur, un ethos communs. Huit ans ont passé et ces tribus d'Israël sont confrontées à une nouvelle épreuve et un nouveau facteur de division : le débat autour de la réforme judiciaire, et au-delà, la perception de leur démocratie. Si l'on regarde la sociologie des manifestations contre la réforme, on voit que les participants sont loin de représenter toutes ces nouvelles "tribus" d'Israël. On y retrouve certainement beaucoup plus de laïcs que de religieux, plus de Juifs que d'Arabes et quasiment aucun ultra-orthodoxe. Mais si tous ces groupes ne descendent pas dans la rue, tous sont concernés. Et même s'ils ne considèrent pas le statut de leurs institutions judiciaires comme leur préoccupation principale, ils sont en revanche préoccupés par la détérioration du débat public. Ce dénominateur commun dont parlait le président Rivlin, commence à subir les effets de ce débat. Et c'est ce qui inquiète des professionnels des services de sécurité, actifs ou retraités, quand ils mettent en garde sur des atteintes à la résilience nationale, à travers des manifestations d'extrémisme, voire de violence. Même si la cote de confiance du public israélien dans ses institutions s'est dégradée au fil des années, il demeure pourtant une réelle fierté nationale pour les réalisations du pays et pour l'expression de sa puissance, qui passe aussi par la solidité de l'Etat. On compare souvent le processus de réforme judiciaire en cours en Israël, à ce qui s'est produit ces dernières années dans des pays comme la Hongrie ou la Pologne, qui sont devenues des démocraties illibérales. C'est une erreur de perspective. Ces anciens Etats satellites de l'ex-Union Soviétique ont passé près de cinq décennies derrière le Rideau de Fer, sous la coupe de régimes autoritaires. Leur embellie démocratique a été beaucoup plus brève, et certainement insuffisante pour les immuniser contre le réveil du populisme. Israël est loin d'être dans la même situation. Dès les débuts du projet national du sionisme, la démocratie s'est imposée comme la seule forme politique possible. Elle a été exprimée comme telle dans la Déclaration d'Indépendance, au côté du caractère juif de l'Etat qui venait de naitre. Et si le dosage entre les composantes juive et démocratique n'a jamais été définitivement fixé – c'est pour cela qu'Israël n'a toujours pas de constitution – les Israéliens ne veulent renoncer à aucune des deux. Le défi qui se pose aux Israéliens est donc complexe. Pour réparer le déséquilibre entre certaines de leurs "tribus", il faut effectivement élargir l'accès aux institutions à tous les segments de la société, mais il ne faut surement pas remplacer une "tribu" par une autre. De même qu'il ne faut pas exagérer les mouvements de balancier en affaiblissant le pouvoir judiciaire au profit du pouvoir politique. C'est ce que recommande l'actuel président israélien Itzhak Herzog quand il appelle à la concertation et au consensus. C'est ce dénominateur commun dont parlait le président Rivlin et qui doit souder les nouvelles "tribus d'Israël". Pascale Zonszain

pzoom220223

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