Pourquoi des réservistes de l’armée israélienne font-ils défection pour manifester contre le projet de réforme judiciaire ?

Si le projet de loi du chef du gouvernement israélien est largement contesté dans la société israélienne et a déjà poussé des milliers de personnes dans les rues, la mobilisation des réservistes de l’armée de l’air est un choc dans un pays dont l’armée est censée être un creuset apolitique. Contingent relativement restreint, l’armée de l’air israélienne s’appuie traditionnellement sur des réservistes en temps de guerre et exige que les équipages qui ont été démobilisés (ceux ayant pris leur retraite opérationnelle par exemple) s’entraînent régulièrement afin de rester prêts. Mais dans une lettre diffusée dans les médias dimanche, 37 pilotes et navigateurs d’un escadron de F-15 ont déclaré qu’ils ne seraient pas présents lors des exercices prévus  et "consacreraient leur temps au dialogue et à la réflexion au nom de la démocratie et de l’unité nationale".  Ces réservistes font partis des formations les plus élitistes de l’armée israélienne, telles que le 69e Escadron, dont les F-15 ont bombardé le réacteur nucléaire syrien en 2007, ou encore l’unité des forces spéciales Shaldag de l’armée de l’air, explique The Times of Israël. Néanmoins, l’aviation israélienne ne restera pas clouée au sol par ces protestations. En cas d’urgence militaire, la plupart des grévistes disent clairement qu’ils reprendront leur poste.

"Une menace pour la sécurité d’Israël" selon Tsahal

Le chef d’état-major de Tsahal, le lieutenant-général, Herzi Halevi, a rencontré des réservistes et des hauts gradés cette semaine pour tenter d’empêcher un mouvement de masse qui pourrait nuire à la préparation au combat de l’armée. En réponse, le lieutenant-général des Forces de défense israéliennes, Herzi Halevi, a déclaré qu’il était "conscient du mouvement, mais qu’il ne permettra aucun préjudice à la capacité de Tsahal à mener à bien sa mission la plus importante : défendre la sécurité d’Israël". D’autant plus dans le contexte actuel où le conflit israélo-palestinien connaît une recrudescence depuis le début de l’année. Après les unités de cybertechnologies et les commandos, les pilotes sont le troisième corps de l’armée à s’indigner contre cette réforme.

"Je refuse de servir une dictature"

Dans une tribune publiée par le quotidien Haaretz, un réserviste, signant sous le nom de "Major R" a voulu expliquer la démarche d’une partie des troupes. "Pendant 13 ans, j’ai occupé divers postes clés dans la force d’opérations spéciales du renseignement militaire, l’une des divisions les plus sensibles et les plus secrètes d’Israël", précise-t-il. "Si Israël devenait une dictature, si la justice devenait le bras armé du gouvernement, nous ne nous porterions plus volontaires pour le service de réserve", Il y a quelques semaines, 300 officiers et vétérans avaient réuni leur signature dans une pétition pour contester la réforme de la justice. "La législation en question détruira tout ce pour quoi nous avons servi et combattu. Nous ne laisserons pas cela se produire", indique la pétition.

Le mouvement des pilotes aurait pu remettre en cause le voyage de Netanyahou en Italie

Le mouvement contestataire des pilotes a par ailleurs failli avoir raison d’un voyage diplomatique du Premier ministre Benjamin Netanyahou en Italie le 9 mars. L’anecdote est racontée par de nombreux journaux, dont The Times of Israël et le Jerusalem Post. D’habitude le chef du gouvernement israélien se déplace dans un Boeing 777, spécialement aménagé. Faute de pilote qualifié capable de manœuvrer l’engin, le Premier ministre devra se contenter d’un Boeing 737 bien moins confortable. Une anecdote qui en dit long sur l’atmosphère en Israël. Michel Zerbib