Il y a 5 ans, la mort du grand romancier Philip Roth : un visionnaire.

International.

Il y a 5 ans, la mort du grand romancier Philip Roth : un visionnaire.
(Crédit : DR)
Un festival en l’honneur de l’enfant terrible de la littérature américaine s’est tenu à Newark sa ville natale la semaine dernière, l’occasion de rappeler la puissance et l’actualité de l’écrivain. D'après les autorités et les associations juives, le nombre de crimes et délits antisémites a augmenté ces dernières années et le paysage politique s’est radicalisé. Ce que le grand écrivain juif américain avait prophétisé et redouté. L’écrivain Philip Roth s’inquiétait déjà de « la fragilité de la démocratie » américaine. Cinq ans après sa mort, son angoisse pour un pays plus divisé que jamais par le trumpisme a été au menu d’un festival en son honneur près de New York. Rassemblés trois jours à Newark, la fameuse ville natale de Roth et banlieue du New Jersey, des dizaines de comédiens, auteurs et universitaires ont débattu, joué et lu sur scène des œuvres du romancier devant des centaines de spectateurs. Un festival original dans lequel les aficionados du romancier ont aussi sillonné en bus les quartiers de sa jeunesse et célébré ce qui aurait été dimanche son 90e anniversaire.

Philippe Roth 1933-2018 et le phénomène Trump

Né le 19 mars 1933, dans une famille juive de la classe moyenne venue de Pologne et de l’Ukraine, Roth est décédé à Manhattan le 22 mai 2018. Mort en pleine gloire, il n’aura pas échappé à la controverse politique. Un an et demi avant sa mort, « je me rappelle avoir reçu un email de lui, juste après l’élection de (Donald) Trump (en novembre 2016) disant ‘oui, il va suspendre la Constitution' » des Etats-Unis, a raconté l’historien Sean Wilentz lors du festival « Philip Roth Unbound » co-produit par le New Jersey Performing Arts Center (NJPAC). Lorsque le 45e président américain est entré à la Maison Blanche le 20 janvier 2017, beaucoup de fans ont relu le roman le plus connu de Roth, Le complot contre l’Amérique (2004), adapté en série télé en 2020, comme une sorte de prophétie. Le narrateur, Philip Roth enfant juif de Newark, raconte comment les Etats-Unis sombrent dans l’autoritarisme, le « fascisme », l’antisémitisme, les déportations et émeutes anti-juives après la victoire fictionnelle à la présidentielle de 1940, contre le démocrate Franklin Roosevelt, de l’aviateur Charles Lindbergh, un républicain pro-nazi, isolationniste et partisan de « l’Amérique d’abord », un slogan de Donald Trump.

Trump n’est pas Lindbergh

En réalité dès 2017, Philip Roth va réfuter dans la presse tout parallèle entre Trump, « imposteur total … mégalomane » doté d’un « vocabulaire de 77 mots » et Lindbergh, « vrai raciste, antisémite et suprémaciste blanc sympathisant du fascisme » mais surtout « grand héros » de l’aviation mais pour  les organisateurs de ce Festival, « l’histoire du ‘Complot contre l’Amérique’ résonne avec notre climat politique et social actuel ». D’ailleurs ce rassemblement dédié à Philip Roth a fait salle comble dimanche pour écouter cinq heures durant les neufs chapitres du « Complot » déclamés par neuf comédiens et actrices.

La peur d’un retour de l’antisémitisme dans l’œuvre de Roth, l’actualité de sa vision sur les tensions communautaires

Pour l’écrivaine Francine Rose, la puissante description que fait Roth dans son roman de la peur insidieuse des juifs américains montre que « l’antisémitisme est un phénomène récurrent » dans l’Histoire et « non pas inventé par Hitler ». D’après les autorités américaines et des associations juives, le nombre de crimes et délits antisémites a augmenté ces dernières années dans un pays en pleines turbulences idéologiques et sociétales. Les tensions communautaires dans la société américaines ont été critiquées par Philip Roth dans "La tache" (2000). Pour le romancier afro-américain Darryl Pinckney, elles représentent dans les Etats-Unis d’aujourd’hui une forme de « déliquescence de la bourgeoisie ». Si Roth est encore d’une brulante actualité politique et sociale, c’est qu’il a dépeint avec lucidité les travers des Etats-Unis dans des récits provocateurs et satiriques, avec une réflexion profonde sur le poids de l’Histoire, l’identité juive, la sexualité, le vieillissement et la mort mais le grand écrivain juif américain n’aura pas échappé à ses contempteurs qui l’accuseront lui aussi aussi d’être misogyne, notamment lors du mouvement #Metoo en 2017 mais ses thuriféraires expliqueront inlassablement qu’il faut faire le distinguo entre les « personnages » féminins qu’a inventés le romancier et le fait que l’homme « n’a diffamé ni les femmes, ni le féminisme ». Urgent de lire ou de relire celui qui n’aura jamais reçu le prix Nobel de littérature. Michel Zerbib

Newsletter

Restez informé ! Recevez des alertes pour être au courant de toutes les dernières actualités.
Réagir à cet article

L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.

Inscrivez vous à la newsletter
La météo locale
Il y a 5 ans, la mort du grand romancier Philip Roth : un visionnaire.