Tsahal doit se préparer à des confrontations multi-fronts

Ce n'est pas une surprise, mais c'est la première fois qu'Israël reconnait formellement cette nouvelle donnée stratégique : les prochaines confrontations armées ne se limiteront plus à un seul front, comme c'était le cas au cours des quatre dernières décennies. C'est ce qu'a expliqué hier Yoav Gallant devant les correspondants militaires de la presse israélienne. Israël a fonctionné jusqu'à présent en considérant que l'on pouvait traiter un front à la fois. Cette réalité sera bientôt révolue, a déclaré le ministre de la Défense, qui constate qu'un nouveau phénomène est en train de lui succéder : celui d'affrontements sur plusieurs fronts simultanément. On en a eu une première illustration au début du mois, avec des attaques combinées sur quelques jours, en provenance de Gaza, du Liban et de la Syrie. Il s'agissait à chaque fois de tirs de roquettes, d'une ampleur encore limitée et qui ont pu être contrés par la défense antiaérienne de Tsahal. Ces attaques ont été lancées par le Hamas, en coordination avec le Hezbollah et des supplétifs pro-iraniens en Syrie. Et on avait vu quelques jours plus tôt les principaux leaders des organisations terroristes se rencontrer à Beyrouth chez Hassan Nasrallah, qui avait d'ailleurs parlé à cette occasion d'un "renforcement de l'axe du refus". Cette jonction des fronts, que confirme donc Yoav Gallant, est conduite par l'Iran, qui fournit à ses supplétifs les ressources, l'argent, l'idéologie et la formation nécessaires, a encore expliqué le ministre de la Défense. Ce qui représente par exemple pour la milice chiite libanaise du Hezbollah, un financement iranien à hauteur de 700 millions de dollars par an et qui se double d'un soutien technologique et stratégique pour son armement, comme ses systèmes de navigation pour les missiles. En ce qui concerne le Hamas, l'organisation palestinienne a droit à 100 millions de dollars annuels de la part de Téhéran, auxquels, précise Gallant, il faut encore ajouter les dizaines de millions allouées à l'autre organisation terroriste du Jihad islamique. Un soutien iranien qui rend ces organisations de plus en plus téméraires, selon le ministre de la Défense. Et le ministre israélien a poursuivi cet état comptable du financement terroriste avec les groupes pro-iraniens en Syrie, qui se chiffre en centaines de millions et on passe même aux milliards de dollars, versés par l'Iran au régime de Bashar al Assad. Et la manne iranienne s'étend aussi à l'Irak et au Yémen. Et il faut encore ajouter le programme nucléaire militaire de l'Iran, plus proche que jamais du seuil critique. Tout cela donne un regain d'assurance à la république islamique, qui considère qu'il a réussi à établir une dissuasion en sa faveur face à l'occident et qui lui permet d'avancer dans son programme, tandis qu'Israël reste en priorité occupé à lutter contre ses milices supplétives sur les fronts sud et nord. Cette marge de manœuvre élargie que s'est octroyée l'Iran, devrait empêcher Israël mais aussi le monde entier de dormir" estime Yoav Gallant. Et le ministre de la Défense n'oublie pas la situation politique intérieure d'Israël, sur fond de débat sur la réforme judiciaire. Un phénomène interprété par les ennemis d'Israël comme un signe d'affaiblissement et de vulnérabilité. C'est d'ailleurs ce constat qui avait failli coûter son poste à Yoav Gallant, avant que le Premier ministre ne revienne sur sa décision de le limoger. En tout cas, cette nouvelle réalité stratégique de conflit sur plusieurs fronts exige aussi de renforcer les capacités opérationnelles de Tsahal. Ce qui va passer par une sérieuse rallonge du budget de la défense israélienne pour les 5 ans qui viennent. Pascale Zonszain