Copernic, un jugement tardif, mais un jugement quand même, chronique de Richard Prasquier

France.

Copernic, un jugement tardif, mais un jugement quand même, chronique de Richard Prasquier
(Crédit : DR)
Hassan Diab, Canadien d’origine libanaise, professeur émérite de sociologie dans une université d’Ottawa, a été condamné à la réclusion à perpétuité. Le Canada avait extradé Hassan Diab en France le 13 Novembre 2014, six ans après le mandat lancé par le juge Marc Trevidic. Il n’y a pas qu’en France où les décisions de justice peuvent être lentes…. Diab reste muet. Il n’accepte de répondre au juge qu’en 2016, en l’occurence à Jean Marc Herbaut, successeur de Trevidic. Les parties civiles sont confiantes, mais le 13 janvier 2018, les juges Herbaut et Foltzer rendent une ordonnance de non-lieu et Diab libéré regagne le Canada le jour-même. Ce n’est que 3 ans plus tard, en janvier 2021, que la chambre d’accusation de la Cour d’appel annule ce non-lieu, une décision confirmée par la Cour de Cassation. Le 3 avril 2023 s’ouvre donc, par contumace, le procès de Hassan Diab devant la cour d’assises spéciale de Paris. Il y a fort à parier qu’il ne reviendra pas effectuer sa peine. Il veut passer pour un nouveau capitaine Dreyfus, il bénéficie des revirements de la justice française, qu’il a accusée d’être inhumaine, d’un puissant comité de soutien au Canada et du parrainage d’Amnesty International. Mais le verdict repose sur des bases solides et mieux vaut tard que jamais. Il faut rendre hommage au juge Trevidic, aux avocats des victimes et aux services de police qui n’ont pas classé l’affaire, contrairement à la police belge qui avait classé l’attentat contre une synagogue d’Anvers survenu exactement un an après celui de Copernic, à Sim’hat Torah aussi, attentat qui a entrainé la mort de 3 personnes et dans lequel de lourds soupçons pèsent sur le même Hassan Diab et sur le groupe dont beaucoup d’arguments montrent qu’il en était un membre actif, à savoir le FPLP OS (OS pour opérations spéciales) issu d’une scission au sein du FPLP de Georges Habache.tine On peut par exemple lire le détail de l’enquête dans le livre de Clement Weill-Raynal. Je vais essayer de résumer. Accrochez-vous. L’élément central, c’est le passeport de Hassan Diab découvert lors d’une fouille de routine, avec plusieurs autres passeports, dont certains se révéleront faux, dans la serviette d’un passager arrivant à l’aéroport de Rome dont on saura plus tard qu’il était un des chefs du FPLP OS. A cette époque personne ne connait le nom de Diab, la douane préfère expulser ce passager bizarre sans poser trop de questions, mais photocopie les passeports. Nous sommes un an après Copernic, quelques jours avant l’attentat de la synagogue d’Anvers. 20 ans plus tard les services allemands évoqueront le nom de Diab à leurs homologues français. On retrouvera la photocopie et on y verra que Diab arrivait à Rome en provenance de Beyrouth. Si son passeport, authentique, se trouvait déjà dans la serviette d’un terroriste estampillé, on pouvait suspecter qu’un échange de passeports avait eu lieu dans l’aéroport même. Or, alors qu’on savait que l’Espagne avait servi de base arrière aux terroristes de Copernic, on lit sur les tampons que Diab se trouvait à Madrid les jours d’avant et après l’attentat. Le modus operandi des terroristes de l’époque était d’utiliser pour leurs activités un faux passeport pour le pays de leur cible (passeport chypriote pour l’auteur de l’attentat de Copernic) et reprendre leur vrai passeport dès qu’ils s’étaient repliés dans un pays voisin (en Espagne en l’occurrence). Le passeport de Diab était repéré par Interpol. Toute la question est de savoir si celui qui l’avait présenté à Rome était le véritable Hassan Diab. Il devait en tout cas beaucoup lui ressembler car la photo n’avait pas été modifiée. Deux ans après la mésaventure romaine, Diab fait une déclaration de perte à la police libanaise: son passeport était tombé du sac de son vélomoteur. Deux ans, c’est avant Rome, mais après Madrid. Or au juge parisien Diab prétendra que son passeport avait disparu encore un an plus tôt, donc avant les attentats de Paris et qu’il n’avait jamais mis les pieds à Madrid. Pourquoi de toute façon de tels délais, alors que quand on perd un passeport on se hâte d’informer les autorités? C’est que Diab était alors trop absorbé par ses études de sociologie. Croire cette histoire, c’est croire au Père Noël…… A cela s’ajoutent d’autres arguments, notamment le souvenir très précis que gardait de son visage un vigile parisien, aujourd’hui décédé, avec qui le faux chypriote s’était battu avant l’attentat et qui l’avait accompagné à un commissariat. Quant aux déclarations suivant lesquelles Hassan Diab se trouvait à Beyrouth elles sont vagues, invérifiables ou suspectes par les liens sentimentaux avec Hassan Diab. Les juges d’instruction ont considéré qu’il y avait quand même des doutes sur l’implication de Hassan Diab et que ces doutes devaient lui profiter. Le doute d’un juge qui suffit à priver la société d’un procès indispensable, c’est exactement ce que nous avons vu pour Sarah Halimi…. Clément Weill-Raynal a utilisé pour son livre la formule « enquête sabotée » L’enquête a été techniquement difficile, la plupart des pays arabes, Liban, Syrie ou Jordanie n’éprouvant pas, c’est un euphémisme, un désir intense de coopérer et bien des complices sont en liberté. Mais il y a autre chose, c’est l’assurance avec laquelle la presse de l’époque, mais aussi le pouvoir politique, ont accusé des néo-nazis d’être les responsables de l’ignoble attentat. Ces minables groupuscules n’y étaient pour rien, la police l’a su très vite, mais il ne fallait pas le dire et on a dirigé la colère contre la « peste brune ». Il était malvenu en 1981 d’incriminer des mouvements pro-Palestiniens dont le palmarès était pourtant éloquent. Le gouvernement giscardien avait, quelques années auparavant, fait libérer Abou Daoud, l’organisateur des attentats de Munich, sous des arguties juridiques plus que douteuses. Il s’agissait avant tout de jouer l’apaisement en souhaitant que les organisateurs d’attentats déposent leur bombes chez les voisins. Deux mois seulement avant l’attentat contre la synagogue Copernic, un membre de Abu Nidal avait tiré à Anvers sur des enfants juifs qui montaient dans un car. L’un d’entre eux, un petit parisien, avait été tué et l’assassin fut échangé contre des touristes belges pris comme otages. A Entebbe, quatre ans auparavant, l’action commanditée par le FPLP avait montré que l’organisation, que certains aujourd’hui encore qualifient de respectable, ne faisait pas de différence entre Juifs et israéliens. Mais dire cela n’était pas politiquement correct. Est-ce que la situation a changé? Evidemment, la phrase de Barre fustigeant cet attentat qui « visait des Juifs et qui avait frappé des Français innocents » reste gravée dans nos mémoires. Je laisse à d’autres de déterminer si c’est un retour du refoulé ou si la langue du Premier Ministre avait fourché. L’homme était trop orgueilleux pour présenter des excuses. Ce qui est certain et triste, c’est que, face aux critiques, il s’est posé en victime et qu’il a fini sa vie indiscutablement antisémite. Richard Prasquier

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