Les défis constitutionnels du sionisme politique

Israël.

Les défis constitutionnels du sionisme politique
(Crédit: Twitter)
Israël, Etat juif et démocratique. On connait la définition et les débats qu'elle implique entre ceux qui placent les deux concepts à égalité et ceux qui veulent faire passer l'un avant l'autre. C'est le cœur de toute la discussion politique et même idéologique qui occupe depuis le début de son histoire la société israélienne. Avec maintenant, un nouveau chapitre : celui qu'a ouvert le parti Puissance Juive d'Itamar Ben Gvir, qui propose que toutes les décisions du gouvernement, opérationnelles ou de politique générale, intérieure ou extérieure, soient prises en conformité avec les valeurs du sionisme, qui en seront la référence déterminante. Ce qui veut dire donner un contenu concret à la loi fondamentale sur l'Etat-nation du peuple juif, votée par la Knesset en 2018. Et justement, concrètement, qu'est-ce que ça signifie ? Eh bien, comme l'explique le ministre Itzhak Wasserlauf, du parti Puissance juive : "donner la préférence aux citoyens qui ont rempli leurs obligations militaires, resserrer le lien du peuple juif avec sa terre et renforcer le Néguev, la Galilée et la Judée Samarie". Par exemple encourager l'embauche ou l'accès au logement en priorité pour la catégorie de la population qui répond à ces critères. Ce qui exclut d'emblée les Israéliens qui n'ont pas servi dans Tsahal, à commencer par l'immense majorité des Juifs ultraorthodoxes. Une omission qui a fait aussitôt bondir les partenaires ultrareligieux de la coalition, et qui a exigé une correction du texte, pour y englober les étudiants de yéchiva, à égalité avec les soldats démobilisés. Mais cela laisse toujours en dehors d'autres secteurs de la population israélienne, comme les minorités druze ou tcherkesse, qui effectuent leur service militaire. Et le problème ne s'arrête pas là. Si Israël est bien l'Etat-nation du peuple juif, il abrite donc aussi parmi ses citoyens d'autres ethnies et religions, qui ont eux aussi des droits. Et il s'agit de trouver un équilibre entre les deux, pour maintenir le caractère démocratique de l'Etat, sans effacer son caractère national juif spécifique. Jusqu'ici, on contournait la difficulté en restant sur le terrain déclaratif. C'est ce qui avait été réalisé avec le vote en 2018 de la loi sur l'Etat-nation, qui ne comportait aucune disposition opérationnelle. Et c'est bien ce que lui reprochent aujourd'hui les partenaires nationalistes de la coalition, qui considèrent précisément que le temps est venu de passer à des mesures concrètes. Mais là, on se heurte à un premier obstacle : celui du principe d'égalité, lui aussi ancré dans une loi fondamentale votée en 1992, sur la dignité humaine et la liberté. On comprend donc que dans ce cas, la Cour suprême, si elle est saisie de la question, va statuer en faveur du respect du principe d'égalité. En tout cas, la Cour suprême dans sa composition actuelle. Ce qui explique que le ministre de la Justice, Yariv Levin répète que rien ne pourra se faire avant la réforme du système judiciaire et que c'est seulement ensuite qu'une politique "réellement sioniste" deviendra possible. Il y a deux ans, la Haute Cour avait d'ailleurs rendu un arrêt pour expliquer que la loi sur l'Etat-nation, puisqu'elle n'était que déclarative, ne formait qu'un élément de la future constitution d'Israël et n'allait pas contre les autres valeurs fondamentales du pays. Mais cette fois, il ne s'agit plus de contourner l'obstacle, mais de le prendre de front. Ce qui laisse présager de nouvelles batailles politiques et judiciaires. Pascale Zonszain

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