Après le rav Edelstein, quel leadership pour la communauté ultraorthodoxe ?

Israël.

Après le rav Edelstein, quel leadership pour la communauté ultraorthodoxe ?
(Crédit : autorisation du bureau du Rav Edelstein)
Après la disparition d'une personnalité, on entend souvent dire qu'il s'agissait d'une figure irremplaçable. Sauf que dans le cas du rav Gershon Edelstein, c'était doublement vrai. Le chef spirituel du courant harédi lituanien, décédé le 30 mai à l'âge de 100 ans, était le dernier représentant d'une génération de rabbins orthodoxes. Il était aussi le dernier à avoir connu le monde harédi de diaspora et d'Israël à une époque où ce monde harédi était uni autour d'un seul chef spirituel, auquel il obéissait en tout. Et le rav Edelstein a assisté non seulement aux scissions à l'intérieur du courant harédi, une des branches de l'orthodoxie, mais aussi aux changements profonds qui traversent cette communauté depuis une vingtaine d'années. La croissance démographique de la communauté ultraorthodoxe en Israël et son exposition à la modernité de la société israélienne l'ont peu à peu sortie de son isolement, mais l'ont aussi placée en position de conflit entre ses valeurs fondamentales et le monde qui l'entoure. Le rav Edelstein s'était retrouvé il y a six ans, à la tête du monde harédi, où il formait une sorte de binôme avec le rav Haïm Kaniewski, disparu l'an dernier. Et depuis, c'est lui qui devait centraliser à la fois la direction spirituelle et politique de sa communauté. Celui qui s'était retrouvé au cœur de la scission de la yéchiva de Ponevezh dans les années 90, a dû reformer l'unité de son mouvement, mais aussi le rapprocher du courant hassidique, avec lequel les divergences sont profondes et complexes. Le rav Edelstein n'a pas réussi à réconcilier le courant dit de Jérusalem au sein de la communauté harédite, alors qu'il en représentait le courant de Bnei Brak, plus modéré. En revanche, il était parvenu à reprendre la main sur le front politique face au mouvement de la hassidout. Car les hassidim et les harédim ont chacun leur parti politique, réunis dans la liste Yaadut HaTorah. Et c'est le rav Edelstein qui en présidait le conseil des Sages et en fixait la ligne politique. Par exemple, c'est lui qui avait obligé il y a quelques mois le courant de la hassidout de Belz à revenir sur son acceptation d'intégrer l'enseignement des matières profanes dans ses établissements scolaires. Le rav Edelstein était prêt à des compromis politiques, mais pas sur l'enseignement, qui constituait pour lui une ligne rouge. En revanche, il avait ordonné à ses députés de ne pas aller à la confrontation avec le gouvernement lors des dernières tractations sur le budget de l'Etat. Et c'est aussi lui qui avait interdit à la communauté orthodoxe ashkénaze de prendre part à la grande manifestation organisée fin avril par les partis de droite pour soutenir la réforme du système judiciaire. Le rav Edelstein était resté jusqu'au bout très attentif à l'humeur de l'opinion israélienne et avait compris qu'il ne fallait pas la braquer davantage contre le monde orthodoxe. Mais l'autorité du rav Edelstein était le dernier témoignage d'une époque révolue. Il n'avait pas désigné de successeur, conscient probablement que plus aucun rabbin de l'orthodoxie ashkénaze n'est en mesure de fédérer autour de lui des courants de plus en plus nombreux et divisés. Et pour la société orthodoxe où s'est formée ces dernières années une classe moyenne, il va être difficile d'écouter une seule voix sur des enjeux aussi cruciaux que l'éducation, le service militaire, voire le rapport au sionisme. Pour l'orthodoxie ashkénaze d'Israël, c'est une page qui se tourne. Et le début d'une maturation politique et sociétale qui devra s'accomplir sans la figure d'un père spirituel. Pascale Zonszain

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