« L’Arabie Saoudite, puissance d’équilibre au Moyen-Orient ? » Chronique d'Arié Bensemhoun

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« L’Arabie Saoudite, puissance d’équilibre au Moyen-Orient ? » Chronique d'Arié Bensemhoun
(Crédit : DR)
Bonjour Arié. Vous revenez aujourd’hui sur le retour en grâce de l’Arabie saoudite sur la scène régionale et internationale. Serait-elle redevenue un acteur incontournable au Moyen-Orient ? Bonjour. En effet, après sa mise au ban du fait de l’affaire Kashoggi, le royaume saoudien est désormais réhabilité sur la scène internationale. Les Occidentaux y sont pour beaucoup, États-Unis en tête. Au centre des priorités de politique étrangère de l’administration Biden, on trouve la normalisation avec Israël. Cette dernière souhaite que l’Arabie saoudite rejoigne le cercle des pays signataires des Accords d’Abraham, ce qui ferait sens, compte tenu de la présence des Émirats arabes unis dans cette nouvelle dynamique d’intégration régionale. Cependant, Mohammed Ben Salmane est très clair sur ses conditions préalables : des garanties sécuritaires et un partenariat saoudo-américain d'enrichissement d'uranium pour un programme nucléaire civil. S’y ajoute aussi des avancées significatives sur le dossier israélo-palestinien, Riyad étant comptable devant la Ligue arabe, du fait de son leadership dans l’organisation, d’un certain soutien aux revendications palestiniennes.  Si la Maison Blanche a décidé d'accélérer le processus, le secrétaire d'État Antony Blinken a fait savoir qu'il n'avait aucune "illusion" sur le fait que parvenir à un accord serait difficile, compte tenu des intérêts divergents des parties saoudienne et israélienne. Jérusalem n’est pas près de se laisser imposer des conditions sur ce dossier devenu radioactif, au vu du contexte sécuritaire. En outre, la crainte de la prolifération nucléaire dans la région est réelle. Pourtant, ces derniers mois, Riyad a pris, d’une certaine manière, quelques libertés… Rompant contre toute attente avec le schéma de deux rivaux géopolitiques s’affrontant jusque-là par proxys sur divers théâtres régionaux (dont le Yémen avec les Houthis ou la Syrie de Bachar el-Assad), Riyad a rétabli le 10 mars dernier ses relations diplomatiques avec Téhéran, sous l’égide de Pékin. Cette évolution témoigne d’une certaine émancipation à l‘égard des alliés traditionnels et montre que MBS poursuit son propre agenda diplomatique et stratégique, quitte à conforter la position de ceux qui souhaitent la fin de la présence américaine dans la région. Ce rapprochement, qui contrecarre fortement les intérêts israéliens, ouvre néanmoins quelques perspectives de sortie de crise, en laissant augurer une sorte d’apaisement régional sur certains dossiers brûlants au Moyen-Orient. Car les deux poids lourds du Golfe se sont avant tout engagés au niveau sécuritaire, notamment maritime, en écartant toute volonté d’ingérence dans leurs affaires intérieures respectives. Mais certains en doutent, et à raison, en voyant les répercussions directes des situations politique et sociale sur les relations inter-étatiques et sur le pouvoir de nuisance des États voyous, à l’instar de l’Iran, qui s’exerce sans retenue contre la souveraineté libanaise, par le biais du Hezbollah. Alors justement, c’est pour parler, entre autres, du dossier libanais que Mohammed Ben Salmane s’est rendu à Paris vendredi dernier. Que faut-il retirer de son entrevue avec Emmanuel Macron ? La France est pour l’Arabie saoudite une interlocutrice de choix à deux égards : intérêts stratégiques croissants et influence au Moyen-Orient. Cela se vérifie tout particulièrement sur le dossier libanais, Macron et MBS ayant « rappelé la nécessité de mettre rapidement un terme à la vacance politique institutionnelle » au Pays du Cèdre. Si leur relation a connu des remous, elle semble désormais au beau fixe et une poignée de mains chaleureuse sur le perron de l’Élysée vaut presque adoubement. Bien qu’Emmanuel Macron ait parié au début de son mandat sur son homologue émirati Mohammed Ben Zayed, MBS incarne, à ses yeux, un véritable soutien à l’influence française dans la région et à une coopération sécuritaire et économique renouvelée entre les deux pays.  Sur le plan géopolitique, il compte également sur le poids du royaume pour faciliter la fin du conflit en Ukraine et la relance des discussions sur le nucléaire iranien. Le refroidissement des relations entre Washington et Riyad est l’opportunité pour lui de s'engouffrer dans la brèche et se positionner comme le meilleur allié occidental de ce dernier. De son côté, si sa réhabilitation passe par le président français, le prince héritier compte bien continuer dans sa lancée : positionner son pays comme nouvelle puissance d’équilibre au Moyen-Orient. Arié Bensemhoun

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