Le procès de la pire attaque antisémite perpétrée dans l’histoire des Etats- Unis : le massacre en 2018 dans la synagogue de Pittsburgh en 2018; après avoir été condamné au mois de juin pour ses crimes le procès est entré dans sa deuxième phase : Robert Bowers doit il être condamné à mort?
Retour sur cette affaire qui a bouleversé la communauté juive américaine :le massacre de Pittsburgh
La fusillade de la synagogue de Pittsburgh est cette attaque terroriste antisémite survenue le 27 octobre 2018 aux États-Unis sous l'influence de la propagande du Ku Klux Klan et de groupuscules néo-nazis. Un tireur est entré dans la synagogue « Tree of Life » de Pittsburgh, en Pennsylvanie. Les autorités ont fait état de 11 morts et plusieurs blessés. Selon l'Anti-Defamation League c'est l'attaque la plus meurtrière perpétrée contre des Juifs dans l'histoire des États-Unis.
Un attentat antisémite (un peu l’équivalent en France de Toulouse et de l’Hyper Cacher et Copernic) intervenu dans le contexte à l’époque de menaces néo-nazies aux USA
La fusillade s'inscrit dans une tendance où les lieux de culte sont devenus la cible de violences extrémistes, que ce soient des synagogues, des églises chrétiennes ou des temples sikhs. « L’assassinat de deux Afro-Américains dans une épicerie à Louisville », les "bombes artisanales ciblant une douzaine de démocrates". Selon un rapport publié quelques jours avant la fusillade, l’Anti-Defamation League mettait en évidence la progression de l’antisémitisme sous la présidence de Donald Trump en montrant que les sympathisants d'extrême droite ont intensifié une vague de harcèlement antisémite à l’encontre de journalistes et de candidats juifs aux élections de mi-mandat, dont les attaques de Trump et plusieurs de ses proches à l’encontre du milliardaire juif américain d'origine hongroise George Soros.
Dans un article publié le jour de la fusillade dans The New Yorker, Alexandra Schwartz pointe les signes avant-coureurs de l'attentat et la montée de l'antisémitisme aux États-Unis depuis la campagne présidentielle de 2016, avec en particulier une recrudescence de la négation de la Shoah et l'explosion du « vitriol de l'antisémitisme » sur Internet. L'auteur démontre que l'antisémitisme n'avait pas pris une telle ampleur dans la culture américaine depuis le début des années 1940.
Ce Chabbat terrible du 27 octobre 2018
Le samedi 27 octobre 2018, pendant l'office matinal de Chabbat, à environ 9h45, un tueur a fait irruption dans la synagogue « Tree of Life » de Pittsburgh. La communauté existe depuis 150 ans et appartient au mouvement Massorti. Le bâtiment, construit en 1953, abrite aujourd'hui deux autres communautés : New Light et Dor Hadash. Selon le Jewish Telegraphic Agency, le suspect est entré dans la synagogue où se préparait une cérémonie de circoncision, en criant : « Tous les juifs doivent mourir ! » avant d'ouvrir le feu. À environ 10 h (14h UTC) les services de secours sont arrivés à la synagogue. Le tireur, un antisémite revendiqué, blessé durant l'affrontement avec la police, avait été placé en garde à vue puis inculpé et emprisonné.
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La tradition juive de citer les victimes
Les 11 personnes tuées dans l'attaque pratiquement à bout portant sont : les frères Cecil et David Rosenthal, 59 et 54 ans, qui distribuaient les livres de prières à l'entrée de la synagogue ; Daniel Stein, 71 ans et Richard Gottfried, 65 ans, dentiste, qui préparaient une collation dans la cuisine de la synagogue ; Melvin Wax, 88 ans, comptable à la retraite, qui conduisait l'office de New Light ; Joyce Fienberg, 75 ans ; Rose Mallinger, 97 ans, membre de « Tree of Life » depuis 60 ans, qui n’était en revanche pas une survivante de la Shoah, contrairement à ce que des médias ont supposé. Jerry Rabinowitz, 66 ans, médecin ; les époux Sylvan et Bernice Simon, 86 et 84 ans ; Irving Younger, 69 ans, fidèles de « Tree of Life ».
Qui est cet homme Robert Bowers qui été jugé pendant deux mois pour des charges très lourdes?
Le prévenu, qui plaide non coupable, est notamment accusé d’avoir perpétré 11 assassinats aggravés par la qualification d’acte antisémite. Il encourt la peine de mort. La sélection du jury du tribunal fédéral de Pennsylvanie (nord-est) avait commencé le 24 avril, pour une durée de quatre semaines, et le procès a vraiment démarré en juin pour juger ce routier blanc poursuivi pour 63 chefs d’accusation. Le suspect se nomme Robert Bowers, un habitant de Pittsburgh âgé de 46 ans. Un compte était ouvert au nom de Robert Bowers sur le réseau social Gab, connu pour être un refuge des suprémacistes blancs. On y lisait des affirmations antisémites : « Les juifs sont des enfants de Satan » et d'autres messages violemment antisémites. Il y était également reproché au président Donald Trump d'être un « mondialiste et non pas un nationaliste ». Il y était aussi écrit que le slogan « Make America Great Again » n'a pas lieu d'être, les États-Unis étant « infestés de youpins ». Il exprime sa haine pour la Société d'aide aux immigrants juifs (HIAS), qui aide des immigrants de toute religion ou croyance. Après la fusillade, Gab contacte le FBI et suspend le profil de Bowers, et ferme deux jours plus tard
Sur les 63 chefs d’accusation fédéraux auxquels Bowers fait face, 22 sont des crimes capitaux
Deux pour chacune des 11 personnes décédées ce matin-là, dont le frère de Black, Richard Gottfried. L’un d’eux est une « obstruction au libre exercice de croyances religieuses ayant entraîné la mort » et l’autre est le meurtre, assorti d’une accusation de crime de haine.
Le procès a consisté essentiellement à démontrer que le tueur était motivé par l’antisémitisme
Pour cela la Cour a fait de plusieurs audiences une sorte de séminaire sur ce qu’est la vie juive , le judaïsme et ses idéaux humanistes. Ce sont des passes d’armes entre les procureurs et les avocats de la défense ont animé ce procès très médiatisé aux USA. Les procureurs ont cherché sans relâche à démontrer que la fusillade était motivée par l’antisémitisme, ont interrogé les témoins sur leur judaïsme et la manière dont ils l’expriment. « Comme tous les samedis, les hommes et les femmes de confession juive se rendaient à la synagogue pour observer le Shabbat », a déclaré l’assistante du procureur Soo Song dans son exposé introductif mardi dernier . « Pour prier Dieu dans la sainteté et le refuge de leur foi juive commune. » À l’inverse, l’avocate de la défense, Me Judy Clarke, s’est efforcée de prouver que son client a ciblé les fidèles non pas en raison de leur religion, mais parce qu’il pensait qu’ils facilitaient une invasion migratoire visant à remplacer les Blancs. Elle et les procureurs ont tous deux reconnu devant le tribunal qu’il avait commis l’attentat. Me Clarke a parfois émis des objections lorsque le témoignage s’est orienté vers la manière dont les Juifs américains pratiquaient leur culte ou vers l’explication de ce qui anime la pratique juive. Aucune de ses objections à l’explication du judaïsme n’a été retenue, ni celle où elle avait tenté d’empêcher la directrice de l’une des écoles religieuses de la congrégation d’expliquer ses préceptes éducatifs.
La défense a insisté sur le fait que la synagogue était visée pour être un groupe d’aides aux réfugiés et non pas pour la judéité de ses membres
La cour a tout voulu savoir sur l’esprit de la synagogue Trees of Life. « Parmi les valeurs culturelles enseignées à l’école, le concept d’accueil de l’étranger figurait-il ? « , a demandé la procureure Mary Hahn. « Oui, cela aurait été incorporé dans le programme scolaire d’une manière adaptée à l’âge des élèves », a répondu Kobee. La défense et l’accusation reconnaissent que l’accusé, un suprémaciste blanc, a ciblé le bâtiment parce que Dor Hadash s’était associé à HIAS, le groupe d’aide aux réfugiés juifs, pour célébrer ce que le groupe a appelé le « Shabbat national des réfugiés ». « L’approche de Kaplan le rabbin de la congrégation , consiste à considérer la Bible, la Torah en particulier, comme quelque chose qui guide notre vie de manière à donner de la valeur à l’interaction sociale », a déclaré un témoin à la barre. « L’une des façons dont elle se manifeste le plus est l’accueil dans la communauté de ceux qui ont besoin d’aide, qui ont besoin de soutien, qu’ils soient juifs ou non, et l’accueil des immigrés dans le pays.
Le débat sur la peine de mort a été relancé sur la peine de mort à la faveur de ce crime nazi
C’est le président d’alors, le républicain Donald Trump,qui avait réclamé la peine de mort pour Bowers, une demande suivie par le ministère de la Justice et confirmée après le début du mandat du président démocrate Joe Biden le 20 janvier 2021. Mais alors que le candidat Biden s’était engagé en 2020 à abolir la peine de mort à l’échelon national, ce procès ravive aux États-Unis les débats autour de ce châtiment suprême encore pratiqué dans nombre d’États américains. Dès 2019, le procureur fédéral de Pittsburgh avait indiqué qu’il requerrait la peine de mort pour Robert Bowers, citant son « absence de remords » et « sa haine et son mépris » pour les juifs.
Au tribunal la question de l’abolition du discernement a été posée bien sur avec cette question essentielle : l’antisémitisme découle-t-il d’un état délirant ?
Le sort de Robert Bowers en dépend. Pour tenter de sauver son client de la peine de mort, un avocat défendant le tireur de la synagogue de Pittsburgh a passé des heures, à interroger un éminent psychiatre sur une question que se posent de nombreuses personnes au fil du temps : la haine des Juifs est-elle la manifestation d’une maladie mentale ? Car si Robert Bowers a été reconnu coupable, le mois dernier, d’avoir commis l’attentat antisémite le plus meurtrier de toute l’Histoire, ses avocats ont choisi plutôt de se concentrer sur les moyens de lui éviter la peine de mort. En effet dans le droit américain et dans cet Etat, il suffit qu’un seul juré soit opposé à cette sentence pour fermer la porte à l’exécution de cet homme. Le procureur de l’État, quant à lui, a réclamé la peine de mort et a soutenu que Bowers était animé par la haine, et non par des pensées délirantes, lorsqu’il a attaqué la synagogue.
L’audition du célèbre Dr. Park Dietz, un psychiatre expert a été un des temps forts de ce procès
Dietz a démontré que Bowers était un un antisémite ordinaire et qu’il ne souffrait pas de schizophrénie, contrairement à ce qui a été soutenu par la défense qui a essayé due pousser dans ses retranchements le médecin. Dans un autre cas retentissant, Dietz avait conclu à l’abolition du discernement d’un serial killer.
La phase finale du procès débute ce lundi 17 juillet.
Le jury décidera alors s’il prononce une peine de mort ou une peine d’emprisonnement à perpétuité, sans possibilité de libération. Au cours de cette phase, le jury entendra les déclarations de certains membres de la famille des 11 personnes assassinées. Les jurés entendront également le témoignage de personnes blessées, physiquement ou moralement. Les procureurs ont annoncé la participation de sept témoins en l’espace de deux ou trois jours. Durant cinq à sept jours, suivant les déclarations des avocats, la défense fera comparaitre des témoins dans l’espoir de faire valoir des éléments à décharge, notamment les difficultés connues par le tireur au cours de sa vie.
« Cela fait près de cinq ans que ces 11 personnes nous ont été enlevées », a déclaré par voie de communiqué Maggie Feinstein, directrice du 10.27 Healing Partnership, qui s’exprime régulièrement au nom et dans l’intérêt des familles de victimes. « Ils étaient aimés de leurs famille, amis et voisins », a déclaré Feinstein, qui était présente à l’audience. « Puisqu’ils ne peuvent plus parler pour eux-mêmes, ce sont les membres de leur famille qui vont parler en leur nom. Au cours de la prochaine phase du procès, notre système judiciaire va devoir les écouter. Nous les soutenons de toutes nos forces et sommes à leurs côtés. » a conclu la militante selon Times of Israel.
Retour sur le premier verdict du jeudi 13 juillet 2023 ; l’antisémite n’est pas fou
La rapidité du verdict – les jurés se sont réunis durant une heure après les plaidoiries finales mercredi 12, et moins d’une heure jeudi 13 juillet suppose qu’ils ont rejeté les arguments de la défense selon lesquels l’antisémitisme du tireur était celui d’une abolition du discernement. Ainsi les experts psychiatriques des deux parties, qui ont interrogé le tireur, constatent qu’il ne manifeste aucun regret. La défense a tenté d’utiliser cet argument pour conforter son diagnostic de schizophrénie dans le but de disqualifier la peine capitale. En dehors de l’audience, Jeffrey Finkelstein, PDG de la Fédération juive de Pittsburgh, a déclaré que l’argument selon lequel l’antisémitisme était le produit de la folie du tireur n’était pas valide. « Il est clair qu’il était animé par la haine des Juifs. C’est de l’antisémitisme. Ce n’est pas une question de santé mentale. Ce sont deux choses différentes », a-t-il précisé à la presse américaine
Des proches des victimes – morts et blessés – et deux des policiers blessés lors de l’attaque se trouvaient dans la salle d’audience lorsque le juge Robert Colville a lu le verdict dans un silence absolu
L’accusé, comme il l’a fait depuis le début du procès, n’a manifesté aucune émotion. Vêtu d’un pull bleu foncé et d’une chemise à col bleu clair, penché sur un cahier, il a passé son temps à écrire. Judy Clarke, célèbre avocate spécialisée dans la peine de mort et avocate principale de Bowers, s’est à un moment penchée dans sa direction pour lui parler avant l’arrivée du jury. Elle lui a donné une tape dans le dos avant de retourner s’asseoir. Après le renvoi de l’audience à ce lundi, avocats de la défense et de l’accusation se sont affronté sur les facteurs atténuants que la défense entendait présenter à la barre.
Un procès qui va décider de la peine de mort du nazi dans un contexte de regain d’antisémitisme aux USA
Ce procès qui va rendre son verdict définitif cette semaine se tient dans un contexte de poussée d’actes racistes et antisémites aux États-Unis, qui ont atteint le niveau le plus haut depuis 30 ans, d’après des statistiques de la police fédérale, le FBI. D’après l’organisation américaine de lutte contre l’antisémitisme Anti Defamation League, le pays avait connu en 2021 un nombre record de 2 717 actes antisémites (agressions, attaques verbales, dégradations matérielles…), soit une augmentation de 34 % sur un an. En 2022, cette association a dénombré 3 697 actes antisémites (+ 36 % sur un an), du jamais-vu depuis 1979, selon le Washington Post.
Michel Zerbib
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