Israël. Turbulences à Yad Vashem

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Israël. Turbulences à Yad Vashem
Le directeur de Yad Vashem, Dani Dayan et le Pape Benoit XVI - Yad Vashem

Dani Dayan, le directeur du mémorial israélien de la Shoah, nommé il y a à peine deux ans, va-t-il être limogé ? Depuis quelques jours le monde universitaire est vent debout contre ce projet. Comme d'habitude, l'affaire a commencé par fuiter dans les médias. La semaine dernière, la chaine N12 annonce que le ministre de l'Education, Yoav Kisch aurait prévu de révoquer le président du comité directeur de Yad Vashem pour le remplacer par une ancienne députée Likoud, proche de Benyamin Netanyahou. Yad Vashem, qui va célébrer son 70e anniversaire est reconnu mondialement pour son rôle dans l'étude de la Shoah et une référence de fiabilité et sa voix fait autorité dans le milieu des historiens et des chercheurs. Et s'il est vrai que son directeur est nommé par le ministre de l'Education, le mémorial conserve toute son indépendance. Pour mémoire, le prédécesseur de Dani Dayan, Avner Shalev avait été nommé en 1992 par la ministre de l'Education de l'époque, Shulamit Aloni, du parti de gauche Meretz. Durant 28 ans, il n'a pas eu le moindre problème avec les gouvernements successifs, dont une bonne partie, faut-il le rappeler, étaient dirigés par Benyamin Netanyahou.

Ce qui gêne le gouvernement actuel avec Dani Dayan, ce n'est surement pas son positionnement idéologique. Dayan a été le président du Conseil des implantations de Judée Samarie. Mais il est frappé d'une tache indélébile : il a été nommé par Gideon Saar, ministre de l'Education du gouvernement Bennett-Lapid et aujourd'hui dans le parti de Benny Gantz. D'ailleurs, le prétexte invoqué pour le licenciement de Dani Dayan semble assez flou. Le ministre de l'Education parle de problèmes d'administration. Et on lui reprocherait d'avoir invité pour la partie artistique de la dernière cérémonie du Yom HaShoah la chanteuse Keren Peles, connue pour son opposition à la réforme judiciaire.

Et les remous viennent surtout du milieu universitaire. Plus de 120 chercheurs et historiens du monde entier ont signé une lettre ouverte dénonçant un risque d'atteinte à l'indépendance de Yad Vashem. Des spécialistes de l'histoire de la Shoah aussi réputés que l'historien d'origine polonaise Jan Grabowski, ou encore l'historienne américaine Deborah Lipstadt qui avait remporté il y a quelques années, un procès retentissant contre le négationniste David Irving, et aujourd'hui émissaire du président Biden pour la lutte contre l'antisémitisme, font partie de ceux qui sont montés au créneau. Au moment où des régimes comme la Pologne commencent à tordre l'histoire à des fins politiques, la voix de Yad Vashem est plus vitale que jamais, explique Grabowski, qui avait été condamné en justice par un tribunal polonais pour ses travaux d'historien de la Shoah et qui doit notamment aux documents fournis par Yad Vashem d'avoir finalement gagné en appel. D'ailleurs, en 2018, c'est le mémorial de Yad Vashem qui avait adressé au gouvernement israélien une sorte de "rappel à l'histoire", comme on fait un rappel à la loi, quand il avait accepté, à la demande de Varsovie, de reconnaitre une haine anti-polonaise, au même titre qu'existe la haine antijuive.  C'est dire si Yad Vashem peut se poser en arbitre éthique et historique et que son indépendance est vitale à sa crédibilité, surtout dans une période où l'histoire doit faire face à des concepts aussi dangereux que la vérité alternative. Si le message des historiens a été entendu, Dani Dayan devrait garder son poste.

Pascale Zonszain

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