Tout ce qui se dit sous la soucca n'est pas forcément une garantie de sagesse. Le grand Rabbin séfarade d'Israël Itzhak Yosef en a donné une illustration dimanche soir en expliquant que "quand un Juif ne mange pas cachère, son cerveau devient stupide". Une référence à la Guemara, dont les religieux sont familiers, et qui parle du cœur et non du cerveau, mais qui sonne très mal aux oreilles des non pratiquants. D'autant que le Rav Itzhak Yosef faisait une allusion directe aux événements de Kippour à Tel Aviv et aux incidents entre militants religieux et activistes laïcistes venus empêcher une prière organisée sur la place Dizengoff. Et le Primat de Sion s'en est pris aux Juifs laïcs, qu'il a accusés d'être jaloux des religieux. "Tout cela vient d'une jalousie qui tourne à la haine" avait assuré le Rav Itzhak.
Des propos qui sont d'autant moins passés, que le Grand Rabbin est clairement sorti de son rôle. Ce que lui a rappelé Avigdor Liberman, le leader du parti d'opposition Israël Beitenou, qui a estimé que "la seule stupidité du public laïc était de payer le salaire d'un tel obscurantiste" selon ses termes. Il faut dire que le Rav Itzhak Yosef n'en est pas à son coup d'essai. Par exemple, il y a un peu plus de trois ans, il s'en était pris à la communauté des Israéliens immigrants de l'ex-URSS, qu'il avait qualifiés de "goys antireligieux". Une déclaration qu'il fallait replacer dans le contexte politique, puisqu'elle précédait de quelques semaines un scrutin législatif et qu'elle devait permettre au parti Shas de mobiliser des électeurs supplémentaires en s'en prenant à son adversaire de toujours, Avigdor Liberman et son parti russophone Israel Beitenou. Cette fois, heureusement, pas d'élections en vue. Mais le Grand Rabbin séfarade arrive dans quelques mois à la fin de son mandat et devrait faire son entrée en politique en prenant la tête du Conseil des Sages de la Torah, l'instance décisionnaire du Shas. Dans ces conditions, il n'est jamais inutile de se faire entendre, d'autant que le parti orthodoxe séfarade a vu sa direction spirituelle affaiblie par la disparition relativement rapprochée de ses deux précédents dirigeants, ce qui avait donné plus de place aux représentants politiques du parti, et notamment à Arié Derhy dont l'influence est devenue beaucoup plus forte à la tête du Shas.
Mais le Rav Itzhak Yosef n'est pas le premier à déclencher des controverses avec les laïcs. Le père de l'actuel Primat de Sion, le Rav Ovadia Yosef, avait lui aussi suscité la polémique à plusieurs reprises en dirigeant ses critiques contre les Israéliens non religieux. Mais le Rav Ovadia était aussi un des érudits les plus respectés dans ses décisions halachiques. C'était par exemple son avis juridique alors qu'il était Grand Rabbin séfarade d'Israël dans les années 70, qui avait permis à des milliers de Juifs d'Ethiopie d'immigrer en Israël quand il avait établi qu'ils devaient être collectivement reconnus comme Juifs. Le Rav Ovadia, qui fut aussi, il faut le rappeler, à l'origine de la création du parti séfarade Shas. A la décharge du Rav Itzhak Yosef, on dira simplement qu'il n'est pas facile de se hausser à la dimension de son père quand on est le fils du Rav Ovadia Yosef.
Pascale Zonszain
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