Vit on le retour du terrorisme de l’extrême gauche « révolutionnaire » comme dans les années 1970 ? Cette fois il ne s’agit pas de menace djihadiste ou néo-nazie. Ainsi les sept prévenus sont soupçonnés par le parquet national antiterroriste d’avoir fabriqué et testé des explosifs, en vue d'«abattre les institutions républicaines» en s'en prenant à des policiers et militaires. Près de 30 ans après le dernier procès d'Action directe, et cinq ans après le fiasco de l'affaire de Tarnac, l'ultragauche revient sur le devant de la scène judiciaire.
Sept personnes comparaissent à partir de mardi 3 octobre à Paris, soupçonnées d'avoir projeté des actions violentes contre des policiers et militaires
Jusqu'au 27 octobre, six hommes et une femme, âgés de 33 à 39 ans, seront jugés pour association de malfaiteurs terroriste devant le tribunal correctionnel. Trois d'entre eux le seront aussi pour «refus de remettre une convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie». Tous contestent les faits.
À l’origine du dossier, un rapport de la DGSI sur un projet d'action violente fomenté par des militants d'ultragauche. Leur leader serait un militant libertaire âgé de 39 ans, Florian D., ayant combattu en 2017 auprès des Kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) au Rojava (nord-est de la Syrie) contre le groupe État islamique.
Après plusieurs mois de surveillance et d'écoutes, les suspects sont interpellés le 8 décembre 2020, en divers endroits de France (Toulouse, Rennes ou encore Vitry-sur-Seine), puis mis en examen. Lors des perquisitions, les forces de l'ordre retrouvent notamment des produits servant à fabriquer des explosifs et des armes.
Le leader, un libertaire qui a combattu Daesh
Selon l'ordonnance des juges antiterroristes dont l'AFP a eu connaissance, Florian D. aurait fédéré autour de lui des personnes de confiance, qui «connaissaient, dans les grandes lignes», ses projets: Camille B., avec laquelle il entretenait une relation amoureuse, mais aussi Simon G., artificier à Disneyland rencontré dans des soirées punk lorsqu'ils avaient 18 ans, et Manuel H., avec qui il avait été scolarisé dans le même lycée agricole. Les trois autres prévenus, Loïc M., William D. et Bastien A., ont rencontré Florian D. sur la ZAD du barrage de Sivens (Tarn) en 2014.
Les mis en cause sont soupçonnés d'avoir participé à des «entraînements de progression tactique et de tir» dans une maison abandonnée en Haute-Garonne et fabriqué et testé des explosifs, en vue d'«abattre les institutions républicaines» en s'en prenant à des policiers et militaires, selon la justice qui se base sur des conversations écoutées par les enquêteurs.
Aucun passage à l'acte imminent n'a toutefois été envisagé
«Sept personnes sont jugées pour association de malfaiteurs terroriste sans que le moindre projet et la moindre cible n'aient été établis, et sans qu'un quelconque groupe n'existe en réalité», ont commenté Mes Coline Bouillon et Me Raphaël Kempf, avocats de Florian D.
Les dernières affaires de terrorisme de l’ultra gauche : Action directe dans les années 70
Avant cette affaire, la dernière saisine connue de la justice antiterroriste pour des faits liés à l'ultragauche remonte à l'affaire de Tarnac en 2008, pour des soupçons de sabotage de lignes TGV. Mais les qualifications terroristes, objets d'un âpre débat, avaient été abandonnées par la justice avant le procès, qui s'était conclu en 2018 par une relaxe quasi générale. «’Le groupe de Tarnac’ était une fiction», avait conclu la présidente du tribunal.
Le dernier procès pour terrorisme de militants d'ultragauche remonte à 1995, quand sept membres de la branche lyonnaise d'Action directe, un groupe armé d'extrême gauche à l'origine de plusieurs attentats dans les années 1980, avaient été condamnés à 30 ans de réclusion criminelle.
Michel Zerbib
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.