L'OCDE a présenté cette semaine son rapport annuel sur ses recommandations pour la croissance de l'économie israélienne. Sans surprise, l'organisation de coopération et de développement économique, qui regroupe les Etats économiquement développés, pointe encore du doigt cette année un certain nombre d'inégalités qu'Israël devrait combler. Pour mémoire, Israël a rejoint l'OCDE en 2010, marquant son passage de pays émergent à pays développé. Là où ça coince toujours pour l'organisation internationale, c'est notamment le constat qu'il subsiste encore des disparités socioéconomiques importantes, où certains segments de la population israélienne sont sous-représentés et pâtissent de taux d'emploi, de salaires et de temps de travail trop bas. Et les premiers touchés sont le secteur arabe israélien et le secteur juif ultraorthodoxe. En ce qui concerne les ultraorthodoxes, l'OCDE recommande de couper les subventions publiques pour les étudiants de yéchiva et de conditionner le versement des allocations familiales au travail du père. Autrement dit, encourager les jeunes pères de famille ultrareligieux à rejoindre le marché du travail. Or, le Budget adopté par la Knesset au printemps, a justement doté le secteur orthodoxe de près de 3,5 milliards d'euros, dont 950 millions spécifiquement destinés à subventionner les étudiants de yéchiva. On parle des yéchiva d'enseignement supérieur dont la plupart des étudiants sont mariés et pères de famille. La mesure faisait partie des accords de coalition passés par le Likoud avec les partis orthodoxes et qui lui avaient permis de former leur majorité parlementaire. Et ce en dépit des avertissements des fonctionnaires du Ministère des Finances qui avaient alerté sur les risques sur le long terme à la fois pour le secteur ultraorthodoxe, mais aussi pour l'ensemble de l'économie, car de telles mesures allaient maintenir toute une partie de la population dans la pauvreté.
Le rapport de l'OCDE a été mal accueilli du côté des partis orthodoxes. D'autant que leur motivation à rejoindre le gouvernement Netanyahou après un an d'opposition avait été justement d'obtenir des mesures pour leur secteur. Le député Yaadut HaTorah Moshe Gafni, qui préside la Commission des Finances de la Knesset a balayé le rapport de l'OCDE, rédigé selon lui par "des goys qui ne comprennent rien à l'importance de l'étude de la Torah qui a maintenu le peuple juif durant des millénaires". Et il ne faut pas oublier qu'il reste encore un objectif majeur que les partis ultrareligieux veulent absolument concrétiser dès la rentrée parlementaire, c'est la nouvelle loi sur la conscription, qui doit définitivement fixer les conditions d'exonération de service militaires pour les jeunes gens ultraorthodoxes. Un enjeu d'ailleurs susceptible de générer au moins autant de contestation que la réforme judiciaire.
Mais le secteur ultraorthodoxe est moins isolé dans la société israélienne. Le décalage se creuse entre le leadership et la population ultraorthodoxes. Pas encore de façon visible. L'autorité des rabbins du monde harédi reste très forte. Mais la société évolue vers la modernité. Pas question de renoncer aux valeurs fondamentales, mais le nombre d'hommes entrant sur le marché du travail augmente, même s'il reste encore faible et dans des emplois peu qualifiés. Ce sont les femmes qui sont majoritairement l'apporteur de revenus dans les ménages orthodoxes. Et les familles commencent à s'intéresser à scolariser leurs enfants dans des établissements religieux du secondaire qui forment aussi au baccalauréat. Ils ne sont encore que 4%, mais c'est deux fois plus qu'il y a dix ans.
Pascale Zonszain
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.