Dans ce texte publié en 2002, l’ex-chef d’al-Qaida dénonce le soutien des États-Unis à Israël et appelle à venger le peuple palestinien. Des millions d’internautes pourraient être influencés négativement au moment où la guerre entre Israel et le Hamas fait rage.
Sur fond de conflit entre Israël et le Hamas, déclenché le 7 octobre après que le groupe terroriste a déferlé sur l’État hébreu pour y semer la mort (1200 personnes ont été tuées), la «Lettre à l’Amérique» d’Oussama Ben Laden est devenue virale sur les réseaux sociaux.
Le texte est apparu pour la première fois en 2002, en arabe, sur un site saoudien un temps utilisé par al-Qaida avant d'être traduit et diffusé par des islamistes en Grande-Bretagne. C'est un hebdomadaire britannique, L'Observer, qui le publie en premier le 24 novembre 2002, avant que The Guardian ne le suive en mettant une copie sur son site. Face à l'ampleur du phénomène qui ressurgit 20 ans plus tard, le quotidien britannique l’a supprimé mercredi 15 novembre - elle est en fait archivée.
Dans cette lettre, Oussama Ben Laden, chef d’al-Qaida tué par les forces spéciales américaines en mai 2011 au Pakistan, justifie les attentats du 11 septembre 2011, tance et menace directement l'Occident
Ce jour-là, les États-Unis subissent une attaque terroriste d'une ampleur inégalée, faisant près de 3000 morts. Deux avions détournés par des djihadistes d'al-Qaida percutent les deux tours du World Trade Center, à New York, avant qu'un troisième ne s'écrase sur l'aile ouest du Pentagone, à Washington. Il y est aussi question de la population palestinienne, martyrisée, écrit l’auteur, par les Juifs et l’Occident.
Mais comment, et pourquoi, cette lettre a refait surface ?
Mardi 14 novembre, c’est l’influenceuse new-yorkaise Lynette Adkin qui crée la «tendance». Dans une vidéo visionnée plus d’un million de fois, la femme exhorte son public à «arrêter ce qu'il est en train de faire» pour «aller lire la Lettre». La vidéo et son compte TikTok ont depuis été supprimés.
Le lendemain, mercredi 15 novembre, le Guardian supprime le texte de son site. «La transcription a été largement partagée sur les réseaux sociaux sans le contexte complet. Nous avons donc décidé de le supprimer et de diriger les lecteurs vers l'article de presse qui le contextualisait à l'origine», explique le quotidien britannique. Le 16 novembre, le journaliste américain Yashar Ali, contributeur du Huffington Post et du New York Magazine, alerte sur l’ampleur du phénomène. Dans une publication virale sur X (36 millions de vues) accompagnée d’une compilation de vidéos publiées sur TikTok, il affirme que «beaucoup» de personnes «disent que [la lettre] les a amenés à réévaluer leur point de vue sur la façon dont ce qui est souvent qualifié de terrorisme peut être une forme légitime de résistance à une puissance hostile».
Sur X, les références à Ben Laden ont bondi de plus de 4300% en deux jours
C’est après la diffusion de cette publication que le mot-clé «Lettre à l’Amérique» a été propulsé en tendance mondiale.
Ouvertement, tous les auteurs des vidéos ne justifient pas les attaques terroristes, contrairement à de nombreux commentaires qui pullulent sous les contenus. Mais certains utilisateurs font le parallèle entre ce que vivent actuellement les Palestiniens de la bande de Gaza et la situation décrite par Oussama Ben Laden vingt et un ans plus tôt.
Aux États-Unis, le soutien de la population à Israël diminue à mesure qu’Israël poursuit ses objectifs militaires dans la bande de Gaza
Les récents raids dans des hôpitaux, notamment à celui d’al-Shifa, et le chaos humanitaire qui règne dans l’enclave sous blocus peuvent l’expliquer. D’après un sondage réalisé par Ipsos pour l’agence de presse Reuters, 32% des personnes interrogée déclarent que leur pays «devrait soutenir Israël». Un chiffre en baisse de neuf points par rapport à un autre sondage publié mi-octobre. Environ 40% des sondés estiment que les États-Unis «devraient être un médiateur neutre», contre 27% un mois plus tôt.
Michel Zerbib
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