Sans apercevoir le grotesque de sa théorie, ce Monsieur fait le procès de Kafka, accusé de pervertir nos rapports avec la justice, ce qui n’a strictement aucun rapport avec le roman de Kafka, l’histoire d’un homme que l’on est venu arrêter sans qu’il sache pourquoi, et qui au bout d’un voyage hallucinant dans les arcanes d’une bureaucratie judiciaire se sent enfin soulagé, en acceptant d’être coupable, en ignorant de quoi…
Quoique fort rompu à l’exercice du droit, Kafka n’entreprend pas une critique de la justice, ce n’est pas son propos.
Il ne nous dit pas que ce Joseph K déclaré coupable, sans chef d’accusation particulier, est une figure éternelle du juif. Et que ce serait un formidable soulagement que d’avouer enfin que nous sommes coupables, de quelque chose, la précision est inutile, puisqu’il s’agit d’une culpabilité par essence.
Kafka n’a pas besoin de le préciser. Il est Joseph K, coupable de naissance, qui ne sait pas de quoi on peut bien l’accuser.
Bien avant la naissance à Prague de l’auteur du Procès, de la Métamorphose, de la Colonie Pénitentiaire et autres chefs d’œuvres, les juifs se sont trouvés, de génération en génération, en des situations kafkaïennes.
Parce que Kafka nous laisse un adjectif, ce qui ne risque pas d’arriver à ce Geoffroy de n’importe quoi.
Et de nouveau, nous voici coupables de quelque chose. D’avoir, par exemple, subi le 7 octobre un massacre innommable, accompagné de viols, de tortures et d’enlèvements.
Le juif est encore plus coupable quand il est victime, on ne lui pardonne pas les pogromes, la Shoah, les roquettes qu’il reçoit depuis des années, moins encore l’horreur du 7 octobre.
Il y a donc un procès à La Haye, une cour internationale de justice appelée à déterminer enfin la culpabilité juive.
Nous lisons, couramment que rien ne justifie l’action militaire que mène Israël, et surtout pas l’agression subie le 7 octobre. Nous lisons, aussi, depuis longtemps, que les persécutions subies ailleurs et la Shoah ne sauraient justifier la création d’un État en 1948, sur une terre revendiquée par d’autres.
En fait rien de ce qui arrive aux juifs ne saurait justifier qu’ils s’organisent pour vivre, et s’attachent, comme les autres peuples à une terre et à un État.
La cour pénale internationale n’a pas convoqué l’Iran pour répondre de la torture et de l’assassinat de femmes dont le voile laissait dépasser quelques cheveux. Il n’y a pas de procès du gouvernement Syrien pour le massacre de sa propre population, pas plus qu’il n’y a de procès de Daesh, pour l’extermination programmée des Yézidis et des Chrétiens d’Orient. Pas plus que les régimes successifs de Khartoum ne répondent de la destruction des peuples du Sud du Soudan. La Chine n’est pas poursuivie pour les Ouïghours, ni pour le Tibet. Pas plus que la Russie pour un nombre incalculable de crimes.
Mais il y a un procès d’Israël, au beau milieu d’une guerre dont il est impossible de dresser le bilan. Israël doit répondre de son action contre une organisation criminelle, qui ne connaît pas le droit international, ni d’ailleurs le droit, et détient toujours 130 otages, dans des conditions inhumaines.
Mais Israël est coupable de tout, et surtout de n’avoir pas fait la paix avec des organisations qui n’en veulent pas…
Mais il nous faut nous méfier de Kafka, qui a imaginé Le Procès, sans accusation définie, ce qui est inutile, quand on trouve un coupable.
Israël doit répondre à La Haye de crimes imaginaires, qui constituerait un génocide du peuple palestinien.
En vérité, Israël doit répondre de sa culpabilité congénitale, de celle du peuple juif.
Mais, nous appelés à nous méfier de Kafka quand l’actualité nous est rapportée d’une manière proprement Kafkaïenne, nous plaçant sous la coupe d’une administration de la vérité et de la bonne pensée.
Se méfier de Kafka, forcément, c’était un juif, on ne s’en méfie jamais assez…
Guy Konopnicki
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