Retour sur l’Attaque de la Gare de Lyon : la folie invoquée mais surtout l’extrême violence

France.

Retour sur l’Attaque de la Gare de Lyon : la folie invoquée mais surtout l’extrême violence
Police française - DR

Après un passage à l’infirmerie psychiatrique, l’agresseur malien a été repris en garde à vue dimanche. Il serait venu en France pour tuer. Comme souvent l’assaillant est décrit comme atteint d’une bouffée délirante au moment des crimes, entre deux est-il justiciable ? 

Décrit comme «mi-vagabond et mi-déséquilibré», Kassogue S. a mené une attaque sanglante en plein Paris, sans qu’aucun dispositif d’alerte n’ait manifestement pu l’entraver. Au-delà de l’émoi légitime et du sentiment d’impuissance publique qu’inspire cette attaque, reste à comprendre pourquoi ce Malien a récemment franchi les Alpes avant d’être pris, samedi matin à la gare de Lyon, d’une bouffée délirante qui l’a conduit à agresser trois personnes à coups de couteau et de marteau et à mettre le feu à son propre sac à dos. Le pronostic vital de la victime la plus grièvement blessée «serait toujours engagé», disait dimanche le ministère public.

De manière spontanée, l’assaillant a reconnu devant la PJ souffrir de troubles psychiatriques. Au regard d’un «état psychiatrique incompatible avec la mesure de contrainte», sa garde à vue avait été levée samedi soir pour qu’il soit conduit à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris. Jadis appelée l’«infirmerie spéciale», cette unité fonctionne à la manière d’une gare de triage des pires névroses et psychoses contemporaines.

Après une nuit et une matinée de surveillance médicale dans ce bâtiment discret du 14e arrondissement, Kassogue S. a été de nouveau repris en garde à vue. Comme si les effets de sa pathologie mentale oscillaient d’une heure à l’autre

Selon les derniers éléments de l’enquête, c’est un «migrant légal»qui est arrivé en France le 1er février, avec des papiers en bonne et due forme établis en Italie, où il vit en situation régulière depuis 2016.  Dépêché sur place, le préfet de police, Laurent Nuñez, a confirmé qu’il était titulaire d’un «titre émis en 2019 tout à fait valable». Devant les enquêteurs du 2e district de police judiciaire, ce trentenaire a dit vouloir «tuer des gens». Mais rien n’a pu mettre les autorités en alerte puisque cette «bombe ambulante» était inconnue des services, tant en France qu’en Italie.

Kassogue S. est présenté comme un «musulman pratiquant non radicalisé». À ce titre, il ne figure donc pas au nombre des 20 % de personnes faisant l’objet d’un «suivi actif» au Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) et qui présentent des troubles psychiatriques ou neurologiques bien documentés. Soit au total environ un millier de personnes.

L’Afrique ne doit jamais pardonner à la France

Les policiers se sont intéressés à un compte TikTok, ouvert au nom de l’assaillant. Sur l’une des vidéos, en date du 2 décembre 2023, l’auteur du compte a rédigé cet énigmatique message: «RIP (repose en paix) dans trois mois, qu’Allah m’accueille dans son paradis». Dans d’autres vidéos, il exprime son ressentiment à l’égard de la France, faisant référence à l’intervention militaire tricolore au Mali, avec la mention: «L’Afrique ne doit jamais pardonner à la France.» Lors de sa garde à vue, Kassogue S. a de nouveau fustigé le «passé colonial» de l’Hexagone.

Si le Parquet national antiterroriste a dit rester «en observation», le préfet de police a précisé que les premiers éléments de l’enquête ne «laissent pas penser qu’il s’agit d’un acte terroriste»

Mais, dimanche, nombre de voix refusaient de lire l’attaque au couteau de la gare de Lyon à travers le seul prisme de la psychiatrie. Pour Frédéric Lauze, le patron du Syndicat national des commissaires, «ce n’est pas qu’un fait divers. Les tentatives d’homicide ont augmenté de près de 80 % sur dix ans, à l’image de la situation sécuritaire qui se dégrade depuis plus de vingt ans». En filigrane de ce drame qui a fait trois blessés, dont l’un grièvement, se dessine chaque jour davantage un pays qui s’enfonce dans la violence ordinaire.

Michel Zerbib

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