Des témoins avaient raconté que l’assaillant semblait chercher le proviseur de l'établissement ou «le professeur d'histoire», sans mentionner d'enseignant de lettres. La réalité est toute autre avec de nouvelles informations.
L'assaillant de l'attentat d'Arras (Pas-de-Calais) a affirmé, lors de ses interrogatoires en novembre et janvier, avoir intentionnellement ciblé le professeur de lettres Dominique Bernard, le 13 octobre 2023, pour s'attaquer au symbole de «l'amour» de la France. «Dominique Bernard était professeur de français, c'est l'une des matières où on transmet la passion, l'amour, l'attachement du système en général de la République, de la démocratie, des droits de l'homme», a expliqué le 10 novembre Mohammed Mogouchkov à la juge d'instruction, d'après des éléments dont l'AFP a eu connaissance.
Après les faits, des témoins avaient raconté que le jeune homme, aujourd'hui âgé de 21 ans, semblait chercher le proviseur de l'établissement ou «le professeur d'histoire», sans mentionner d'enseignant de lettres. Mais Mohammed Mogouchkov le revendique: il s'en est pris à son ex-professeur, dans son ancien établissement, pour les valeurs qu'il incarnait, mais sans avoir «de problème particulier avec lui». Dominique Bernard était-il sa seule cible ? «C'était l'attache principale», «intentionnelle», acquiesce-t-il, évoquant un plan élaboré «une à trois semaines à l'avance».
«Les moyens utilisés, le jour choisi (le vendredi), l'emplacement et la cible étaient intentionnels, c'était planifié»: il effectue des repérages «des vendredis précédents», achète «deux couteaux pliants» - l'un la veille, l'autre sept jours avant - et décide d'agir un vendredi, le jour «avec la plus grande symbolique de l'islam». En revanche, les «moments» qui ont suivi le «premier coup de couteau» à Dominique Bernard «étaient improvisés».
Comme souvent dans ces actions djihadistes, le rôle de la famille et des fratries
Dans cette affaire, son jeune frère et son cousin, également mis en examen, ont été interrogés respectivement en novembre et en décembre. Les enquêteurs soupçonnent notamment son frère, 16 ans, de complicité d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste. En cause: une discussion où il répond aux questions de Mohammed sur le maniement des couteaux. Avec Mohammed, «on pouvait parler de tout, de potagers» et, aussi, de décapitation, c'était «une discussion comme une autre», a décrit le frère devant la juge d'instruction en décembre. Il explique avoir «une passion» pour les armes et les vidéos violentes en tout genre.
Le matin des faits, le cousin et le frère se retrouvent. «On réfléchissait surtout à qui on devrait le dire», explique-t-il à la juge d'instruction en décembre. «La première personne qui venait (à l'esprit), c'était mon père», seul «capable de rappeler Mohammed à l'ordre», mais «on ne savait même pas où (mon père) était». Fiché S pour radicalisation islamiste, le père a été expulsé de France en 2018 vers la Russie, où il est resté un an. Fin octobre, il déclarait depuis l'Arménie à l'AFP condamner le geste de son fils.
Depuis le début des investigations, l'entourage de l'assaillant préoccupe les enquêteurs, qui ont retrouvé plusieurs armes dans la cave du domicile familial.
L'aîné des Mogouchkov, Movsar, est actuellement incarcéré pour ne pas avoir dénoncé un projet d'attentat aux abords de l'Élysée. Mais il n'est pas poursuivi à ce stade pour celui d'Arras
La mère s'estime victime collatérale de l'attentat, notamment car sa plus jeune fille a été placée en foyer, et a demandé à se constituer partie civile. La décision en appel sera rendue mercredi. De son côté, Mohammed Mogouchkov a répété avoir agi seul: «aucune personne n'était au courant de ce projet ou même de cette volonté».
Michel Zerbib
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