Durant deux jours, la cour d’assises spéciale de Paris s’est penchée sur la personnalité et le rôle de la compagne de Radouane Lakdim. Une jeune fille comme une autre qui assure s’être, depuis les faits, «déradicalisée».
- Que pensez-vous de la situation en Syrie, des bombardements ?
- J'aimerais que ça arrive en France, que les Français voient ce que ça leur ferait à eux
- Et l'attentat contre Charlie Hebdo ?
- C'est bien fait pour eux, parce que c'était de la provocation.
- Et le policier mort lors des attentats de Charlie Hebdo ?
- Je m'en fous.
- Et le prêtre de Saint-Etienne-du-Rouvray, qui est mort ?
- Je m'en fous
- Et les attentats de Nice ?
- Peut-être il y avait des gens qui ont pris pour rien…
Ainsi s'exprime Marine Pequignot, la petite amie du terroriste islamiste Radouane Lakdim, lors de sa garde-à-vue. Elle a alors 18 ans. Nous sommes le 23 mars 2018, jour des attentats de Trèbes et de Carcassonne. Quatre personnes, dont le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, y ont perdu la vie.
Au moment de son interpellation, la jeune femme a crié, à trois reprises, «Allah Akbar, Allah Akbar, Allah Akbar»
Comment son père interrogé au procès aurait-il pu imaginer que, dans l'atmosphère feutrée de sa petite chambre rose, sa fille de 15 ans prenait des selfies en hijab et en niqab ? Qu'elle postait ces photos sur Snapchat, où elle y ajoutait un filtre faisant apparaître un serre-tête Minnie Mouse ? Qu'elle visionnait des vidéos de décapitation ? Des séquences où l’on peut voir des enfants jouer au football avec une tête coupée ? Qu'elle échangeait avec des membres de l'État islamique tout en regardant des films avec sa sœur, dans son lit ? Qu’elle discutait avec des combattants de l’EI d’un possible départ en Syrie, tout en se faisant les ongles ? Qu'elle communiquait activement avec l'un d'entre eux, lui demandant si elle pourrait combattre, porter des armes ?
Marine Pequignot s'est-elle radicalisée sous l'influence de Radouane Lakdim, avec qui elle entretenait alors une relation depuis quatre ans ?
Le jour des faits, vers sept heures du matin, elle reçoit - comme d'autres contacts - une vidéo de la part de l'auteur de l'attaque. Il s'agit d’une sourate «sur le jugement dernier», confirme-t-elle aujourd'hui. Le jour de l'attentat, elle a effectué 13 recherches au sujet de Radouane Lakdim. Le matin, elle a publié sur un groupe Facebook la sourate de la caverne, «dans lequel il est dit que les mécréants sont voués à l'enfer et le paradis promis aux croyants», détaille un enquêteur. Savait-elle pour les attentats ?
Marine Pequignot est accusée d'association de malfaiteurs criminelle terroriste. Elle a été incarcérée le 29 mars 2018. Après 25 mois de détention provisoire, elle est finalement placée sous contrôle judiciaire le 1er juillet 2020. Elle encourt 30 ans de réclusion criminelle
Elle rencontre Radouane Lakdim à la fin de l'année 2014. Elle a 14 ans, lui, 22. Mais cette différence d'âge et son statut de mineure ne gênent pas la jeune adolescente : elle est amoureuse. «C'était mon premier amour, c'est lui qui m'a déviergée, on l'a fait au bout d'un an et ensuite on le faisait quand lui le voulait»
Marine Pequignot fait partie de ces adolescentes rebelles
En 2017, Marine se fait plus radicale. Cette année-là, elle fête le Ramadan avec une amie récemment convertie. Mais, après que les deux jeunes filles ont visionné une vidéo évoquant la guerre en Syrie, Marine Pequignot déclare qu'il faudrait «faire la même chose en France» pour «venger» la Syrie.
Marine Pequignot était-elle au courant des intentions de Radouane Lakdim ? Était-elle sous l'emprise du terroriste ? «J'ai fait ça pour plaire à Radouane», justifie-t-elle aujourd'hui. A-t-elle été la victime ou la complice de l’État islamique ? L'incertitude demeure, à ce stade. Cette jeune convertie aura offert un visage double : le nikab et Daesh d’un coté et le maquillage et le vernis à ongles de l’autre.
MZ
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