Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a demandé le retrait du titre de séjour de l'imam Mahjoub Mahjoubi, qui a qualifié le drapeau tricolore de «drapeau satanique». Le début d’une procédure d’expulsion à l’issue incertaine.
La procédure s’annonce longue, complexe et surtout incertaine. Dimanche 18 février, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a demandé le retrait du titre de séjour de l'imam Mahjoub Mahjoubi, ressortissant tunisien installé en France depuis 1986, en vue de son expulsion. Une enquête préliminaire a par ailleurs été ouverte pour «apologie du terrorisme».
La polémique a éclaté lorsque l’imam a publié sur les réseaux sociaux la vidéo d’un prêche où, face caméra, il qualifie le «drapeau tricolore» de «drapeau satanique» qui n'a «aucune valeur auprès d'Allah»
Mahjoub Mahjoubi évoque aujourd’hui un «lapsus». Au total, le quinquagénaire est visé par trois signalements. L’un d’eux date de novembre 2023, après des propos tenus en février de la même année sur la place des femmes ou sur le peuple juif qu’il désignait comme un «ennemi». À ce titre, il était connu des «services spécialisés» qui ont analysé «plusieurs dizaines de minutes de prêches» aux passages litigieux. Mais ces allégations sont-elles suffisamment graves pour lancer une procédure expulsion ?
Mahjoub Mahjoubi est-il inexpulsable ?
La loi prévoit qu’un étranger peut être expulsé en cas de «menace grave pour l’ordre public». Les «appels à la haine» contre un groupe de personnes en font partie, comme le détaille l’article L631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Des termes qui sont employés par Gérald Darmanin pour qualifier les propos tenus par l’imam à l’égard des Juifs et des femmes.
Mais cette règle connaît de nombreuses exceptions listées par l’article suivant (L631-3) : s’il réside en France depuis plus de 20 ans, ou s’il est marié depuis au moins quatre ans avec un ressortissant français ou s’il est père d’un enfant français mineur résidant en France, l’étranger devient inexpulsable. Ce qui semble en tout point correspondre à la situation de Mahjoub Mahjoubi, arrivé en France en 1986, marié à une Française et père de cinq enfants scolarisés en France.
«Mahjoub Mahjoubi est inexpulsable»,a assuré auprès du Figaro Me Samir Hamroun, son conseil. «Toutes ces dispositions constituent une protection renforcée. Mon client n’est pas un Marocain qui a débarqué en France il y a deux jours, il détient deux attaches fortes : l’ancienneté et des liens personnels, notamment ses enfants», poursuit l’avocat.
"Nous considérons que les éléments reprochés sont suffisants pour enclencher la procédure"
Ce n’est qu’à partir de la réception du bulletin d’expulsion que l’avocat aura quinze jours pour se saisir de la Commission départementale d'expulsion des étrangers (Comex). Cette commission, constituée de trois magistrats, pourra alors se réunir au tribunal administratif du lieu de résidence de l’individu, soit, dans notre cas, à Nîmes. Ils devront alors statuer sur le risque de trouble à l’ordre public potentiel de Mahjoub Mahjoubi. Autrement dit, ils devront se prononcer sur la radicalisation de l’imam ainsi que sur la teneur de ses propos, afin de déterminer s’ils peuvent être considérés comme graves. À noter que le gouvernement n’est pas tenu de suivre les recommandations de la Comex.
Pas d’après le ministère de l’Intérieur. Une source proche du dossier nous affirme que le titre de séjour de l’intéressé serait valable jusqu’en 2029... «théoriquement». «Nous considérons que les éléments reprochés sont suffisants pour enclencher la procédure», dit -t-on place Beauvau.
Mahjoub Mahjoubi n'est pas le premier imam à avoir fait l'objet d'une procédure d'expulsion
En juillet 2022, Gérald Darmanin en avait signé une contre l'imam Hassan Iquioussen, accusé de tenir des propos antisémites, homophobes, sexistes et «contraires aux valeurs de la République». Il vivait en France depuis sa naissance, en 1964.
À l'époque, le tribunal administratif de Paris avait décidé de suspendre la procédure, jugeant qu'elle «porterait atteinte à sa vie privée et familiale». L'imam marocain avait ensuite fui en Belgique après un arrêté d'expulsion. Il avait envoyé une requête devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme en septembre 2022 contre la France. Les juges de la CEDH avaient déclaré toutes ces demandes irrecevables.
MZ
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