Les partis centristes sont une tradition dans la politique israélienne, même si leur durée de vie n'excède généralement pas plus de deux ou trois législatures. Souvent créés par des transfuges de partis existants, soit plus à gauche soit plus à droite, ils correspondent à l'électorat qui oscille entre ces deux tendances. Jusqu'ici, la plus spectaculaire réussite avait été celle du parti Kadima, fondé par Ariel Sharon, qui avait remporté 29 sièges à la Knesset aux législatives de 2006. Sept ans plus tard, il n'avait plus que deux députés.
Dans le cas de Bleu Blanc, le scénario est un peu différent. Un parti de centre-droite laïc, existait déjà, Yesh Atid, fondé en 2012 par l'ancien journaliste Yaïr Lapid. Début 2019, alors que la Knesset vient d'être dissoute, un nouvel acteur arrive sur la scène politique : l'ancien chef d'état-major de Tsahal, Benny Gantz. Il annonce la création d'un nouveau parti, "Hosen Le Israël" sur le même segment. Il réunit autour de lui des personnalités de la société civile ou engagées dans la politique locale. Mais sans acteurs de premier plan au niveau national, l'ancien chef d'état-major sait que ses chances sont réduites. Un autre ancien commandant en chef de Tsahal, Moshe Yaalon, s'est aussi engagé dans la course électorale, à la tête du parti Telem. Transfuge du Likoud et ancien ministre de la Défense du précédent gouvernement Netanyahou, Moshe Yaalon s'est entouré de candidats proches de ses positions politiques conservatrices et qui se positionne au centre-droite.
Lapid, Gantz et Yaalon décident de faire alliance pour accroitre leurs chances de se présenter comme l'alternative au Likoud et réunissent leurs trois partis sous la bannière Bleu Blanc. Pour faire bonne mesure, ils persuadent un troisième ex-chef d'état-major, le général Gaby Ashkenazi de les rejoindre. Ce mariage d'intérêt fonctionne, puisque Bleu Blanc obtient 35 sièges aux législatives d'avril, puis 33 au scrutin de septembre, et 33 encore aux élections du 2 mars.
Mais si le poids politique de Bleu Blanc est incontestable, son positionnement politique est plus confus. D'abord parce que les élus qui composent la liste centriste couvrent à peu près tout l'éventail idéologique israélien, de Meretz à l'extrême-gauche, avec la députée Yesh Atid Yaël German, jusqu'à la droite conservatrice avec Moshe Yaalon. Trouver un dénominateur idéologique commun est donc une première difficulté.
Ensuite, parce que la direction de Bleu Blanc est partagée par pas moins de 4 personnes. Benny Gantz, Gaby Ashkenazi et Moshe Yaalon – les 3 généraux – et le civil Yaïr Lapid. Autour d'eux, des proches conseillers complètent l'état-major, que les Israéliens ont surnommé le "cockpit". Pour les deux derniers scrutins Gantz et Lapid avaient passé un accord par lequel ils étaient censés se succéder à la tête du gouvernement. Cette fois-ci, le dispositif dépendra aussi des autres partenaires potentiels.
Bleu Blanc est donc devenu une réelle force politique, mais dont le fonctionnement est une mécanique extrêmement compliquée. Tout tient par deux intérêts partagés : le désir de gouverner et de faire sortir Benyamin Netanyahou du paysage public.
Pascale Zonszain
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