La fin de l’accalmie syrienne, chronique d'Arié Bensemhoun

International.

La fin de l’accalmie syrienne, chronique d'Arié Bensemhoun
Le directeur du think tank Elnet France, Arié Bensemhoun - Radio J/Nellu Cohn

Bonjour Arié Bensemhoun, cette semaine, vous souhaitez aborder la résurgence de la guerre civile syrienne et l’offensive rebelle au nord contre l’armée de Bachar el-Assad

Bonjour, 

La Syrie de Bachar el-Assad et sa guerre civile en cours depuis 2011, qui a déjà causé plus de 500 000 morts et fait 7 millions de réfugiés, revient sur le devant de la scène internationale après plusieurs années d’accalmie.

Grâce à une offensive inattendue et spectaculaire, les forces anti-Assad, parties d'Idleb, ont réussi à s'emparer en seulement trois jours d'Alep, la deuxième ville de Syrie, et ont conquis d'importants territoires dans le nord-ouest du pays.

Soutenus tacitement par la Turquie, ces rebelles, bien que relativement hétéroclites et incluant des groupes démocrates et laïques, sont majoritairement dominés par le HTS (Hayat Tahrir al-Sham, l’Organisation de Libération du Levant), fusion de six entités djihadistes, dont le Front al-Nosra, ex-branche syrienne d’Al-Qaïda.

Tirant parti de la faiblesse et de la désorganisation de l’armée arabe syrienne, leur offensive se poursuit en direction du sud-ouest de la Syrie, avec pour objectif les villes de Hama, puis de Homs. 

Si les forces anti-Assad parviennent à atteindre la frontière avec le Liban et à couper l'accès du régime aux villes côtières de Tartous et Lattaquié, cela représenterait une victoire stratégique majeure et un tournant décisif.

Arié, quelles sont les implications pour Israël ?

Si la chute du « boucher de Damas » et de son régime sanguinaire serait évidemment une formidable nouvelle, pour Israël, les choses ne sont pas si simples.

Jusqu’ici la Syrie était un pays voisin faible mais relativement stable, qui ne représentait aucune menace extérieure directe. Le pays est même devenu un terrain de jeu pour Tsahal, qui bénéficie d’une liberté quasi totale pour frapper les intérêts iraniens, sans craindre de riposte syrienne.

Avec la fin du régime de Bachar el-Assad, on sait ce que l’on perd, mais on ne sait pas ce que l’on gagne.

Les piliers de la Syrie moderne reposent entièrement sur sa personne, son régime, sa famille. Si tout cela venait à s’effondrer brutalement, sans processus de transition politique, ce serait le chaos.

La chute d'Assad serait également une catastrophe pour la stratégie régionale de l’Iran. Les mollahs perdraient leur accès à la Méditerranée, tandis que leur principal proxy, le Hezbollah, se retrouverait isolé, rendant son soutien et son approvisionnement beaucoup plus difficiles. Dans un tel scénario, la rupture du cessez-le-feu actuel au Liban pourrait mettre le Hezbollah en danger de mort.

À l'inverse, l'arrivée potentielle de djihadistes au pouvoir en Syrie, même si moins radicaux d’apparence que Daesh, représenterait une menace certaine pour Israël. L’objectif du HTS reste l’établissement d’un État islamique et la poursuite du djihad mondial. Pour y parvenir, à l’instar du Hamas il y a quelques années, ils tentent de se faire passer pour des modérés et d’apparaître comme la moins mauvaise option aux yeux des Occidentaux.

Aujourd’hui, la situation est complexe et, dans ce conflit, Israël n’a aucun allié, et encore moins d’ami.

Arié, ce qui se passe en Syrie représente finalement un bouleversement majeur pour le Moyen-Orient…

Oui.

La Turquie d'Erdogan est en train de se repositionner en profitant de l’affaiblissement du Hezbollah et de l’Iran par Israël, à la suite de la guerre déclenchée par le Hamas. Les anciennes puissances impériales de la région s’affrontent désormais par l’intermédiaire de proxys islamistes.

Bachar el-Assad, qui ne doit son maintien au pouvoir que grâce à la Russie et l’Iran, n’est plus, depuis longtemps, qu’un pantin sans réel pouvoir. 

Mais la Russie, déjà embourbée en Ukraine, ne dispose plus aujourd’hui des moyens nécessaires pour lui sauver la mise une fois de plus. Certains signes montrent même qu’elle préparerait son évacuation de la base maritime de Tartous, pourtant vitale pour son soutien au régime syrien ainsi que pour sa stratégie régionale et méditerranéenne. 

Côté iranien, près de 30 000 membres des milices chiites en Irak pourraient traverser la frontière pour appuyer les forces pro-Assad. Quant au Hezbollah, après avoir commis un nombre incalculable d’atrocités en Syrie depuis 2011, le groupe semble désormais réticent à engager davantage de forces, préférant se concentrer sur le Liban et panser ses plaies.

Depuis le 7 octobre 2023, nous n’avons cessé de répéter que les massacres perpétrés par le Hamas était un basculement. La face du monde est en train de changer. 

Partout, de grands bouleversements s’opèrent. L’effet domino continue. Les dynamiques du Moyen-Orient sont en train de redéfinir les rapports de force, et nous n’en sommes qu’au début. 

Dans ce grand chaos, Israël, superpuissance régionale engagée sur sept fronts, apparait pourtant plus que jamais comme un îlot de stabilité et de liberté.

Arié Bensemhoun


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