Vous voulez nous parler aujourd’hui de Chaim Weizmann, le premier président d‘Israël.
L’Institut Weitzmann est un des 5 ou 10 plus importants centres de recherche du monde. Son fondateur, Chaim Weizmann, est né il y a 150 ans; son nom est honoré dans chaque ville d’Israel, mais son image pâtit de la comparaison avec celle de Herzl, Ben Gourion ou Jabotinsky. C’était un homme de science et pas un homme des foules, un homme de diplomatie et pas un homme de combat, mais son rôle dans l’histoire d’Israel est énorme, alors qu’on le cantonne souvent à celui de Premier Président de l’Etat, une fonction qu’il a exercée pendant quatre ans, jusqu’à sa mort, et dont il regrettait qu’elle ne fût que cérémonielle.
De 1897, où il manqua le premier congrès sioniste à 1952, il a vu son pays d’utopie devenir un état et les fermes d’agrumes du village de Rehovot se transformer en un centre de recherches prestigieux. Dans ces deux évolutions il a joué un rôle clef.
Il est né dans une famille modeste d’un village de Biélorussie, dans une génération marquée par les pogromes. Contrairement à d’autres, comme son contemporain Lev Davidovitch Bronstein, devenu Trotski, qui rejetèrent leur judaisme pour prôner une révolution socialiste, Weizmann assuma son héritage et s’enthousiasma pour une solution nationale, désormais incarnée par Theodor Herzl, un Juif occidental, ignorant des traditions religieuses mais conscient de la généralisation de l’antisémitisme.
Ayant étudié la chimie en Allemagne et en Suisse, Weizmann obtient un poste à l’Université de Manchester, au centre de l’Empire britannique. Il perfectionna une technique, apprise dans un laboratoire pastorien de Paris, où une fermentation bactérienne aboutit à de l’acétone. Alors que la fabrication chimique de cette molécule était chère et laborieuse, les bactéries du procédé Weizmann synthétisent l’acétone à partir d’amidon végétal
Or, dans la fabrication de la cordite, l’explosif propulseur de l’armée anglaise, l’acétone est indispensable pour solubiliser la nitrocellulose qui stabilise la nitroglycérine.
La consommation d’obus lors de la guerre des tranchées entraina en 1915 une crise de production et la nomination d’un homme spontanément favorable au sionisme, Lloyd Georges, comme ministre des munitions. Weizmann, dont le procédé tombait à point pour pallier au manque d’acétone, travailla en collaboration étroite avec le Premier Lord de l’Amirauté, Winston Churchill.
Par ses talents scientifiques, il devint ainsi un contributeur essentiel à l’effort de guerre mais par ses talents diplomatiques un interlocuteur respecté du gouvernement britannique en lutte contre les Turcs au Moyen Orient.
En 1917, c’est la déclaration Balfour. Quel rôle Weitzmann a-t-il joué?
Un rôle capital.
Arthur Balfour avait en 1906 rencontré Weizmann qui lui avait expliqué qu’un foyer en Ouganda était inacceptable pour les Juifs parce que Jérusalem était au centre de leur identité.
En 1917, Lloyd George, alors Premier Ministre et Balfour ministre des Affaires étrangères, agréent à la demande de Weitzmann de soutien au sionisme: c’est la déclaration Balfour du 2 novembre suivant laquelle «le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif».
Un mois plus tard, les troupes britanniques entrent à Jérusalem. En 1920 la Conférence de San Remo intègre la Déclaration Balfour dans le mandat britannique et ses dispositions sont entérinées par la SDN en 1922. Le mouvement sioniste est dès lors un véritable acteur politique et Weizmann en devient le représentant.
Devant cet extraordinaire succès l’homme, prudent et pragmatique, écrit: «Un Etat ne peut pas être créé par décret, l’Etat juif deviendra une réalité par les Juifs qui y viendront et le construiront».
Quel est son rôle jusqu’à la déclaration d’indépendance d’Israel?
Le succès même du yichouv palestinien est un des facteurs du retrait relatif de Weizmann au profit des travailleurs du pays dont David Ben Gourion, président de l’Agence juive depuis 1929, devient l’incarnation.
Weizmann reste Président de l’Organisation sioniste mondiale en dehors des années 1931 à 1935 où il doit laisser ce poste à Nahum Sokolow. 1930 est l’année où le premier Livre Blanc manifeste le revirement de l’attitude britannique, un an après la révolte arabe et les massacres de Juifs à Hebron. Weizmann est considéré comme trop favorable aux Anglais et les critiques vont s’aggraver après le Livre blanc de 1939 qui, malgré la gravité de la situation pour les Juifs en Europe, restreint l’immigration à 75000 personnes sur 5 ans .Weitzmann ne parviendra pas à en obtenir l’abrogation par son ami Churchill, et celui-ci, après la guerre , laissera la place à une administration travailliste très hostile aux sionistes.
Weizmann, bien que souffrant d’un glaucome, fut aux Nations Unies l’avocat efficace d’Israel avant le vote sur le plan de partage du 29 novembre 1947. Il retourne aux Etats Unis pour assurer le soutien américain au jeune pays, ce qui n’allait pas de soi. C’est là qu’il se trouve le jour de la déclaration d’indépendance d’Israel et Ben Gourion lui écrit qu’il sera, tout naturellement, le premier Président du jeune Etat. Il le deviendra officiellement après son élection par la Knesset en février 1949. A sa mort, le poste sera proposé à son ami Albert Einstein, qui le refusera, plaidant l’incompétence…..
Pendant la guerre, le fils et un neveu de Haim Weizmann s’étaient engagés dans la RAF . Son fils, Michael, disparut au combat, son neveu, Ezer, façonna l’armée de l’air israélienne et devint le 7e président du pays.
L’apport de Haim Weizmann à Israël ne se limite pas à l’histoire. Président de l’Etat il continue de vivre dans son Institut où sa maison, payée sur les revenus de ses propres brevets, construite par le célèbre architecte Erich Mendelsohn, servait depuis 1936 de résidence officielle du mouvement sioniste. C’est là qu’il est enterré.
Fondé en 1934 sous le nom de Daniel Sieff Research Institute, l’Institut Weizmann est une magnifique réussite, un centre de recherche pluridisciplinaire et d’interaction des savoirs dont les conférences à l’occasion de son 90e anniversaire ont permis au public d’effleurer la richesse.
C’est l’autre immense victoire pour l’enfant pauvre du shtetl du fond de la Biélorussie, porté toute sa vie par son idéal sioniste et par la conviction qu’une science d’excellence en était un élément indispensable.
Richard Prasquier
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.