Le Yemen hier et aujourd'hui, chronique de Richard Prasquier

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Le Yemen hier et aujourd'hui, chronique de Richard Prasquier
L'ancien président du CRIF, Richard Prasquier - DR

La chronique de la semaine dernière portait sur la situation militaire d’Israel face aux Houthis. Aujourd’hui vous allez nous parler du Yemen et de l’environnement dans lequel ces Houthis ont pu se développer.

Il est peu probable que vos auditeurs aillent faire du tourisme au Yemen malgré l’intérêt de la région: Sanaa, la capitale, et son habitat unique, les hauts lieux du royaume de Saba inscrits au patrimoine mondial,  le barrage de Ma’rib, exploit d’ingéniérie antique, l’ile de Socotra qui passe pour  une merveille. Taiz, 1 million d’habitants, capitale culturelle du Yemen, a vu des  affrontements violents, ces jours-ci, malgré le cessez-le-feu de 2022 qui mettait fin à la guerre de 7 ans entre Houthis soutenus par l’Iran et gouvernement légal soutenu par l’Arabie Saoudite et les Emirats.
 Cette guerre catastrophique (400 000 morts, famine, plusieurs millions de déplacés internes) n’a pas entrainé  de mobilisation mondiale.

Le Yemen est différent des autres pays de la péninsule arabique?
C’est un pays très pauvre, grand comme la France,  de 30 millions d’habitants, comme l’Arabie Saoudite.  Le temps est passé des caravanes d’encens et  du café dont le  port de Moka détenait l’exclusivité au XVIIe siècle.
Le Yemen du Nord contraste une région côtière aride sur la Mer Rouge et des montagnes mieux arrosées d’agriculture en terrasses  dont l’enclavement explique que la région fut toujours difficile à conquérir. Le Yemen du Sud, lui, est séparé de l’Arabie Saoudite par le terrible désert du Rub al-Khali, mais sa côte  vers l’Océan est propice au commerce maritime  Les Anglais en avaient  fait un protectorat autour du port de Aden, escale majeure  entre l’Inde et l’Europe. C’est aujourd’hui la capitale de l’Etat officiel du Yemen depuis que les Houthis ont pris la ville de Sanaa et occupent la plus grande partie du Yemen du Nord.

L’indépendance  a pris au Yemen du Sud un tour anti-impérialiste;  il est devenu en 1967  un Etat marxiste léniniste, base arrière des mouvements révolutionnaires sponsorisés par l’Union Soviétique. Ceux-ci ont laissé  place aux islamistes radicaux de l’AQPI, à qui les frères Kouachi avaient déclaré  allégeance et qui fut  longtemps une très dangereuse filiale de Al-Qaida.
Le Yemen n’a été  unifié qu’en 1990, quand la fin de l’URSS et le désastre économique ont contraint le Sud à se rallier à Ali Abdullah Saleh au pouvoir dans le nord depuis 1978. Celui-ci, quémandant l’argent américain pour s’opposer à AQPI tout en laissant fuir les chefs de cette organisation, a lutté contre les Houthis, s’est allié à eux , les a trahis de nouveau et a fini assassiné par eux en 2017. 

Au Yemen du Nord, les tribus restaient en pratique indépendantes. Des formes d’Islam considérées comme hérétiques y ont prospéré et c’est un imam chiite zaidite qui occupa le trône d’un Yemen indépendant en 1918. En 1962 une révolution pro-nassérienne  prend le pouvoir. Après huit ans de guerre sur le sol yéménite entre tEgypte et l’Arabie Saoudite, un compromis avalise la république mais les tribus conservent leur pouvoir. L’une d’entre elles, les Houthis, ou «Ansar Allah», partisans de Dieu, va se révolter contre  Ali Abdullah Saleh, accusé de connivence avec l’Occident.

Qui sont les Houthis?
Le fondateur, Hussein Badreddin al-Houthi, était un sayyid , un descendant du prophète , de grand prestige. Il est tué en 2004  et son frère Abd el Malik prend la direction du mouvement dont il fait grâce à l’Iran, une armée  qui conquiert le Yemen du Nord, résiste aux Saoudiens  et défraie aujourd’hui la chronique .
La solidarité des Houthis envers les Iraniens est d’autant plus forte que les frères al-Houthi ont étudié à Qom, la ville sainte du chiisme iranien.et que les zaidites, qui considèrent que l’imam  doit avoir un rôle politique sont en phase avec la conception du chiisme que Khomeini a imposée (le «gouvernement du clerc»), alors que la tradition chiite iranienne cantonnait  l’imam à un rôle spirituel.
L’idéologie des Houthis est parfaitement résumée dans leur devise: «Dieu est grand, mort à l'Amérique, mort à Israël, malédiction sur les Juifs, victoire à l’Islam». Pensons y quand nous entendrons dire que les Houthis, comme le Hamas, ne sont pas antisémites, mais seulement antisionistes.

Il y avait une importante population juive au Yemen
Au Yemen a existé un royaume juif bien après la destruction du Temple de Jérusalem, le puissant royaume himyarite, qui disparut au VIe siècle.

Sous l’Islam, les Juifs yéménites deviennent des dhimmis. Orfèvres, ferronniers, tisserands  ou marchands, ils ont leurs traditions propres. Les  persécutions sont fréquentes et Maimonide leur  écrit  pour les renforcer dans leur foi.
Dès les débuts du sionisme, des Juifs yéménites partent vers Jérusalem. En décembre 1947 un pogrom survient à Aden et 80 Juifs sont assassinés sous les yeux des Anglais. En 1949 l’opération «Tapis volant» amène  50 000 Juifs yéménites en Israël. Ils n’y furent pas toujours bien reçus, mais le creuset israélien a fonctionné et leurs descendants sont aujourd’hui mêlés aux autres Israéliens , ayant perdu au passage les consonnes gutturales de leur hébreu, qu’un Juif de l’Europe de l’Est ne savait pas prononcer.

D’autres partiront plus tard et les Houthis chasseront les derniers Juifs du pays. On dit qu’il reste un seul Juif au Yemen, emprisonné  pour être allé en Israël et avoir fait sortir du Yemen un rouleau de Torah antique……

Il est depuis  10 ans un otage détenu dans des conditions vraisemblablement terribles  En ce jour si spécial pour les otages israéliens, ayons une pensée pour Levi Salem Musa Marhabi.

Richard Prasquier

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