« Quand on est écrivain, on écrit toujours pour sauver les gens de quelque chose », Amanda Sthers sur Radio J

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« Quand on est écrivain, on écrit toujours pour sauver les gens de quelque chose », Amanda Sthers sur Radio J
L'écrivaine et dramaturge, Amanda Sthers - Radio J/Nellu Cohn

Ce mercredi 15 janvier à 15h sur Radio J, Cyrielle Sarah Cohen recevait l’écrivaine et dramaturge Amanda Sthers à l’occasion de la sortie de son nouveau livre Les Gestes aux éditions Stock et pour la parution réédition de sa pièce de théâtre à succès Le Vieux Juif Blonde, donnée sur scène pour la première fois en 2006.

Dans cette pièce, on découvre dans un long monologue les tourments qui agitent Sophie, une jeune fille dans sa vingtième année. Si, jusque-là, on pourrait être tenté de soupçonner un manque d’originalité, on se voit bien vite rattraper par l’intrigue et le génie de Sthers. La jeune blonde, agitée par une foule de questionnements et un mal-être inhérent à son jeune âge et également submergée par un sur-être d’un autre âge. Alors qu’elle est catholique, du haut de ses vingt ans, les souvenirs d’un autre se mettent à surgir dans son esprit et la personnalité d’un certain Joseph Rosenblath, un vieux juif rescapé d’Auschwitz, se mêle à la sienne pour donner un personnage complexe qui parle d’un temps qu’il n’a pas pu connaître et dont pourtant il sait tout. 

« On doit rentrer chez nous et en même temps chez nous : 'c'est pas chez nous' »

La parution de la pièce le 8 janvier 2025 au format papier est un moyen pour l’autrice de faire passer un message. « Je finis la préface avec […] une sorte de pieds de nez à la fois drôle et tragique ». L’humour est sollicité par la dramaturge comme moyen de relativiser « je pense que ce qu’on sait faire de mieux, ce qu’on a toujours su faire c’est rire » mais également comme une invitation à la réflexion : « Rire c’est la meilleure manière de réfléchir et de partager. » 

La comédie devient alors l’occasion de se poser tout un tas de questions : « Qu’est-ce que c'est que d’être quelqu’un d’autre ? Qu’est-ce que c'est d’être une femme et de souffrir comme un vieux juif rescapé ? Comment on se met à la place de la personne en face de nous ? ». 

« C’est aussi un travail qu’on doit faire, tous faire avec la douleur qui va avec et accepter que tout le monde peut faire des erreurs. Que l'entente, la capacité à avancer ne sera possible que si on arrive à avoir de l’empathie. »

Elle écrit : « Depuis le 7 octobre, je suis assise dans un car à nouveau sans savoir où nous allons, avec de la fièvre et la nausée, les vieux juifs blondes du monde entier sont priés de retourner dans le pays d’où ils viennent, mais de le rendre aussi. ». Elle commente :« J’avais un malaise de ne jamais m’être exprimé sur le 7 octobre [...] j’avais besoin de laisser une trace [...] je ne suis pas politique [et] quand on est écrivain, on écrit toujours pour sauver les gens de quelque chose ».

« Je suis très ouverte […], comme chaque révolution, il y a ses excès et il faut qu’on arrive à retrouver une balance »

L’occasion de la parution de la pièce de 2006 en 2025 la fait aussi connaitre d’un nouveau public pour le moins inattendu. À la lumière des nouveaux débats de sociétés, certains auraient perçu le décalage psychologique et morphologique de la jeune Sophie comme une forme de « trans-identité ». L’autrice qui est familière de la question s’exprime : « Moi, qui vis aux États-Unis et en plus en Californie où il y a eu l’espèce de naissance de ce mouvement, je suis très ouverte sur le fait qu’on puisse se sentir complètement différèrent de la carcasse qui nous trimballe et je respecte complètement les gens qui transitionnent. » 

Elle ajoute cependant pour mettre en garde contre les dérives touchant l’enfance : « En revanche, je crois qu’il y a eu une précipitation et il y a des enfants qui ont eu juste un mal-être et à qui on a fait transitionner trop tôt. C’est d’ailleurs avéré, il y a eu plein de gens qui maintenant sont en souffrance parce qu’on ne peut pas revenir dans l’autre sens […] je pense que comme toute chose, comme chaque révolution, il y a des excès et il faut qu’on arrive à retrouver une balance ».

« Excaver ses souvenirs et ensuite faire la paix avec eux »

Toujours transgénérationnelle, Les Gestes se concentre davantage sur les vies des parents et grand-parents d’un père qui est en passe d’avoir un enfant. Dans un récit rythmé par les péripéties et les voyages, on suit les rencontres, les séparations et les abandons qui ont façonné la famille. Marc, un danseur qui entame une procédure d’adoption commence à expliquer par écrit à l’enfant qu’il est sur le point d’accueillir, les démarches qu’il a entreprises pour connaître la vie de sa famille dans les moindres détails. On peut y lire : « Quand tu auras grandi, que tu tireras sur les fils du passé pour pouvoir t’accrocher à l’avenir, tu ouvriras ce livret. Tu y trouveras ce que je sais […] » Amanda Sthers explique : « On n’arrive pas neuf dans ce monde, on arrive avec les bagages de nos parents avant nous et de leurs parents avant eux » « Son père vient de mourir […] [et quand on perd un parent] on peut avoir à un moment envie de comprendre cette personne dans son intégralité ».

Fille de psychiatre, elle se confie : « J’ai évidemment grandi en pensant qu’il fallait excaver ses souvenirs et faire la paix avec eux pour ensuite avancer, [...] il faut ouvrir la boite, regarder, comprendre, excuser et puis passer à autre chose. Il y a ceux qui n’arrivent pas à ouvrir la boite et qui s’en sortent très bien toute leur vie et il y a ceux qui ont besoin de l’ouvrir et puis qui n’arrive jamais à la refermer. Et quand on arrive à la refermer, je pense qu’on arrive à devenir adulte à grandir et à vivre sa propre vie. ». Les Gestes paru le 8 janvier aux éditions Stock.

Hugo Daviet

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