« Depuis le 7 octobre les gens découvrent l’antisémitisme comme si ça n’avait pas existé », Sarah Barukh sur Radio J

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« Depuis le 7 octobre les gens découvrent l’antisémitisme comme si ça n’avait pas existé », Sarah Barukh sur Radio J
L'écrivaine et féministe engagée, Sarah Barukh - Radio J/Nellu Cohn

Ce jeudi 16 janvier à 15h sur Radio J, Cyrielle Sarah Cohen recevait l’écrivaine et féministe engagée Sarah Barukh, venue présenter son nouveau livre "De bleu, de blanc, de rouge et d'étoiles" aux éditions Harper Colins. 

« La première fois que j’ai découvert que j’étais juive et que j’ai dû changer de vie à cause de ça, j’avais treize ans » raconte l’écrivaine. Alors qu’elle est scolarisée au collège Edouard Pailleron dans le XIXe, la venue d’une élève vêtue d’un tchador en cours exacerbe alors les tensions dans l’ensemble de l’établissement. Certains élèves s’en prennent alors à elle : 

« Je suis devenue riche parce que juive [...] Je me suis fait frapper, bousculer, insulter ». Finalement, elle est contrainte de changer d’école en milieu d’année et perd ses repères, ses amis de toujours et son quartier. Elle entre alors dans une école privée du XVIIe à une heure et demie de métro de chez elle. La jeune fille est alors confrontée à une forme de décalage social : « Je suis passée de riche parce que juive à pauvre qu’on approche pas, pendant plusieurs mois ça a été compliqué. »  

Plus tard l’auteure revit une autre expérience qui l'a touché dans sa judéité et l’incite à écrire. 

« Cette idée de roman, je l’ai eu lors de la grande marche républicaine du 11 janvier 2015. C’était incroyable de voir cette marée humaine, ces millions de personnes […] alors qu’il y a trois ans, après Ozar Hatorah, on était trois cent juifs dans les rues ». L’autrice confie son tiraillement à ce moment-là :  « J’ai eu ce double sentiment d’être très émue et à la fois très en colère après cette solidarité ». Ce jour-là des millions de personnes se rassemblent pour manifester après les attentats qui se déroulent du 7 au 9 janvier 2015. L’écrivaine qui fait de même décrit la scène « Je les voyais brandir ces petits drapeaux bleu, blanc, rouge. » 

Un objet qui incarnait tout le contraire de ce qu’il voulait pourtant dénoncer d’après elle :  

« Parce que dans cet objet, il y a du sang, il a probablement été fabriqué à l’autre bout du monde dans des pays où on exploite les femmes et les enfants, [...] été acheminé dans des cargaisons parmi lesquelles il y a aussi les armes cachées qui ont servi à tuer Charlie et que probablement, ils ont acheté à un coin de rue, à un migrant qui a vécu l’enfer ».

« Donc 'De bleu, de blanc, de rouge et d’étoiles', c'est l’histoire de la fabrication de ce petit drapeau et de toutes les vies qui sont reliées à ce symbole ». Ainsi, le livre fait interagir des personnages très différents des quatre coins du monde autour de questions d’identité, de radicalisation et de dialogue. « J’avais envie de dénoncer cette invisibilisation des humains par rapport aux idéologies ».

« J’ai connu dans ma chair et chez moi l’impact de la radicalisation chez les musulmans en premier » 

L’autrice qui a mainte fois dénoncé l’intégrisme religieux islamiste se défend des accusations d’islamophobie : « J’abhorre toute forme de racisme [...] Ce livre était dédié en partie à Mo’ ou Mohammed qui était le meilleur ami de mon frère, le petit-frère de Farid Benyettou, le recruteur des Kouachi ». 

Les deux familles se connaissaient même si Mo’ et son frère étaient fâchés. Elle se rappelle encore de l’appel de sa sœur le jour de l’attentat de Charlie Hebdo : « Est-ce que tu as lu le journal ? il y a la photo de Farid ! ». Elle nous confie :

« Il y a eu une déflagration pour nous et pour pas mal de personnes de mon ancien quartier ». « Finalement Mo’ a essayé de s’échapper de la radicalisation salafiste de son aîné en se réfugiant chez les juifs, chez nous en partie […] et aussi chez les Zeitoun ». Elle conclut : 

« La haine de l’autre n’est jamais la solution ».

« Pour moi, le vrai féminisme doit être apolitique »

« L’ignorance de personnes qui sont censées ne pas ignorer qui doivent savoir m’énerve limite plus que la bêtise » lâche-t-elle, agacée. Devant les silences et les dénonciations lacunaires des victimes du conflit, elle a cessé de collaborer avec les féministes, dites : « Intersectionnelles ». « J’ai bien compris qu’il y avait deux types de féministes : Les idéologues et les anciennes victimes dont je fais partie »

« Les idéologues, aiment bien se donner une image, [sont] très politisées à l’ultra-gauche […] et ont clairement affiché leur soutien aux NFP durant les élections [en taisant] de ce qui s'était passé en Israël ». En se disant pour la convergence des luttes, ces associations feraient passer leur engagement pro-palestinien avant la reconnaissance des victimes israéliennes : « Ces féministes-là ont décidé de faire passer avant le féminisme ce qu’elle appelle le mouvement décolonial avec leur compréhension de ce qu’est la colonisation [...] elles ne connaissent rien, ce n’est pas ce qu’il se passe [...] ». Si elle admet cependant qu’on puisse reprocher l’occupation illégale de certains territoires et encourage à plus d’initiatives pour favoriser la paix de la part de l'État hébreu, elle pense que ça ne doit pas impacter les victimes.

Pour finir, elle se félicite que certaines rares associations n’aient encore aucun problème à dénoncer les actes du Hamas envers les femmes israéliennes. L’Union Nationale des Familles de Féminicide (UNFF) ou encore les Citad’elles ont communiqué sur le sujet. « Des associations qui n’ont pas peur de parler de laïcité, de dénoncer les systèmes d’oppression partout dans le monde […]» Elle conclut sur ces mots : « Pour moi, le vrai féminisme doit être apolitique, dans la mesure où on décide de s’allier à l’ultra-gauche, qu’est-ce qu’on dit à une victime qui vote extrême droite ? ou le contraire ? » « L’objectif, c'est de pouvoir accueillir et aider tout le monde, pas de choisir selon un bord politique. » 

Hugo Daviet

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