Bonjour Arié Bensemhoun, après la rencontre entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky vendredi dernier, vous souhaitez revenir les enseignements à en tirer pour Israël.
Bonjour,
Le 28 février dernier, à la Maison-Blanche, la rencontre entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump a tourné au fiasco.
Initialement destinée à sceller un accord révisé sur les minerais ukrainiens en échange du soutien américain, elle s’est transformée en clash du siècle devant les yeux du monde entier et a offert au Président américain le prétexte idéal pour suspendre l’aide militaire à l’Ukraine, dans l’espoir de la contraindre à une paix capitularde face à son envahisseur.
Quant à Zelensky, naïf et peu diplomate, il a commis l’erreur de ne pas aborder cette rencontre comme une véritable négociation. Il s’est fourvoyé en croyant pouvoir convaincre avec des arguments moraux, en plaidant le droit, la justice et les valeurs occidentales communes — autant de notions perçues comme des contraintes par un Donald Trump qui privilégie les engagements pragmatiques et transactionnels aux alliances historiques.
Pour l’actuel Président américain, il n’est plus question d’endosser le rôle de gardien moral de la démocratie. L’Amérique délaisse son statut de leader du monde libre qu’elle a toujours cherché à incarner pour assumer celle d’une superpuissance sans états d’âme.
Bien que Donald Trump semble véritablement attaché à Israël, ce premier mois de son second mandat devrait toutefois nous alerter sur la volatilité du soutien américain. Dans un contexte géopolitique chaotique, l'abandon et l'humiliation d'un allié aussi stratégique que l'Ukraine face à la Russie démontrent qu’Israël ne peut se permettre de compter indéfiniment sur un soutien inconditionnel de qui que ce soit.
Justement Arié, que devrait faire Israël selon vous ?
Les États-Unis sont le principal et le plus fidèle ami et allié d’ISRAËL. Ce sera encore plus vrai sous la présidence de Donald Trump qui a débuté le 20 janvier : ses projets pour Gaza, la reconnaissance de la Judée-Samarie comme territoire israélien, l’élargissement des Accords d’Abraham, l’endiguement de l’axe iranien, ou encore la gestion de la nouvelle menace turque. Autant de dossiers susceptibles de renforcer le statut d'Israël en tant que grande puissance régionale.
Toutefois, se subordonner entièrement à une diplomatie américaine de plus en plus isolationniste, imprévisible et qui sème le ressentiment chez tous ses partenaires serait risqué. Car si le chemin emprunté par les États-Unis venait à brusquement prendre fin dans quatre ans, ou moins, Israël se retrouverait isolé et fragilisé.
Ainsi, pour éviter toute conséquence d’une dépendance excessive, l’État juif doit dès maintenant renforcer son autonomie stratégique et militaire.
Cette nécessité est d’autant plus vitale face à la menace nucléaire iranienne. Le temps presse : les mollahs accélèrent leur programme nucléaire à un rythme inquiétant, et Donald Trump semble très réticent à toute intervention militaire, privilégiant pour l’instant les négociations malgré l’urgence.
Quant à l’idée que Vladimir Poutine puisse jouer le rôle de médiateur sur cette question, et donc freiner la sanctuarisation de son principal allié dans la région, elle relève, il faut en convenir, soit d’un grand optimisme, soit d’une pure folie. Les dictatures ne fonctionnent pas comme les démocraties. Elles élaborent leurs stratégies sur plusieurs décennies, tandis que nous raisonnons en mandats de quelques années. Comment peut-on imaginer la Russie renier 30 ans de calculs stratégiques anti-américains au Moyen-Orient pour un Donald Trump de passage ?
Le nucléaire iranien constitue la plus grande menace existentielle pour Israël, et aucune illusion ne peut être permise.
Arié, au regard de la dynamique actuelle, Israël pourrait être un partenaire de choix pour une Europe géopolitique…
Absolument.
Avec le désengagement américain, l’Europe devra s’assumer comme grande puissance qui s’est trop longtemps ignorée et se chercher de nouveaux alliés.
Les pays européens ne s’en rendent pas encore compte, mais ils ressemblent de plus en plus à Israël : confrontés à la même menace intérieure du terrorisme islamiste et aux ambitions impérialistes d’autocrates à leurs frontières.
Ainsi, en plus des liens historiques et civilisationnels, avec sa technologie de pointe, son expertise sécuritaire et son industrie de défense, Israël apparaît comme un partenaire stratégique naturel et de premier plan pour cette Europe nouvelle superpuissance, dont Ursula von der Leyen a déjà annoncé 800 milliards d’euros d’investissement pour réarmer le continent.
Pour Israël, manquer cette opportunité en laissant la Turquie et les pays arabes renforcer leurs liens avec l’Europe, constituerait une erreur stratégique majeure. Dans un monde multipolaire, un petit pays comme Israël ne peut se permettre de dépendre totalement d’un seul allié.
D’autant qu’avec une Europe enfin contrainte de jouer le jeu des grandes puissances pour ne pas être effacée de l’histoire – et donc forcée d’abandonner son rôle ridicule d’organisation humanitaire géante – Israël pourrait consolider son soutien politique et diplomatique afin de mieux défendre ses intérêts stratégiques et trouver de nouvelles alliances au sein des instances internationales.
Finalement, si les temps peuvent sembler chaotiques, et pleins de dangers, pour Israël, derrière les incertitudes se dessine aussi un avenir riche de promesses et d’opportunités.
Arié Bensemhoun
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