Un vent nouveau souffle sur le Moyen-Orient. Un Etat arabe accepte de normaliser ses relations avec Israël sans poser en préalable le règlement du dossier palestinien. Israël obtient une reconnaissance sans avoir à faire de concessions territoriales. Après l'Egypte et la Jordanie, l'accord avec les Emirats Arabes Unis marque indéniablement une nouvelle ère.
Mais comme toujours dans cette région du monde, les choses ne sont pas si simples. Israël, faut-il le rappeler, est le premier allié stratégique des Etats-Unis au Moyen-Orient. Depuis qu'Israël, il y a près de soixante ans, a fait le choix de faire de son allié américain un facteur clé de sa sécurité, les deux pays ont construit une doctrine de défense commune, qui vise à assurer en permanence à Israël une supériorité qualitative militaire, sur toutes les autres armées et organisations de la région. Cela veut dire que les Etats-Unis vendent à Israël l'armement et le matériel nécessaires pour conserver l'avantage technologique sur ses ennemis. Mais les Etats-Unis s'engagent aussi à ne pas vendre à d'autres alliés régionaux, des équipements qui les mettraient au même niveau qu'Israël, ou qu'ils seraient susceptibles de transférer à des ennemis d'Israël. Cet engagement figure même depuis 2008, dans des textes de loi votés par le Congrès et il est considéré comme essentiel, aussi bien par les élus républicains que démocrates.
C'est dans ce contexte qu'Israël a commencé à se doter de F-35, dernière génération de chasseurs bombardiers construits par l'avionneur américain Lockheed-Martin, équipés des technologies les plus avancées et qui ont, entre autres, la capacité de se rendre invisibles aux radars. Pour la supériorité qualitative militaire, ces appareils entrent donc tout à fait dans les cases.
Seulement voilà, les Emirats Arabes Unis, petit Etat, mais doté d'une armée moderne, tiennent beaucoup à se doter eux-aussi de F-35. L'objectif est évidemment de se prémunir contre la menace iranienne. Très bien, mais quelles conséquences pour Israël ? Tsahal va perdre sa supériorité technologique, puisqu'elle ne sera plus la seule aviation de la région à avoir ce type d'avion. Et même si l'Aérospatiale israélienne a développé quelques systèmes particuliers pour équiper ses nouveaux chasseurs achetés aux Américains, le F-35 n'est pas un appareil qu'on peut vendre à la carte, ou en tout cas en retirer certains équipements stratégiques. C'est tout ou rien.
En même temps, les Emirats Arabes Unis ne sont plus un ennemi. On peut donc considérer que leurs F-35 ne serviront pas à attaquer Israël, ni à soutenir ses adversaires. Seulement, si Washington accepte de formaliser la vente, et c'est en bonne voie, Abu Dhabi aura créé un précédent et d'autres pays voudront s'engouffrer dans la brèche. Car, si Israël bénéficie d'un traitement particulier, il n'a pas de droit de véto sur les marchés d'armes des Etats-Unis. Tout est donc une question d'interprétation. Washington souhaite récompenser les Emirats pour leur geste envers Israël, mais risque de lancer une nouvelle course aux armements au Proche-Orient.
Pascale Zonszain
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