Bonjour Arié Bensemhoun, cette semaine, vous souhaitez aborder l’urgence du dossier iranien.
Bonjour,
Ce lundi 7 avril, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu s’est rendu à Washington pour y rencontrer, pour la deuxième fois depuis son retour au pouvoir, le Président américain Donald Trump.
À l’agenda figuraient plusieurs dossiers brûlants : la situation en Syrie, les tensions commerciales et surtout, l’urgence iranienne. Pourtant, cette visite n’a accouché d’aucun progrès significatif. Trump a appelé Israël à la retenue en Syrie, et n’a rien concédé sur les droits de douane, malgré la levée unilatérale des barrières commerciales par Jérusalem.
Mais c’est sur le sujet le plus urgent – le nucléaire iranien – que la déception est la plus profonde. Tandis que l’Iran continue de franchir méthodiquement les seuils critiques vers l’arme nucléaire, le Président américain s’accroche à l’illusion d’une négociation possible avec Téhéran.
Alors que les États-Unis renforcent leur présence militaire au Moyen-Orient dans l’espoir de les faire plier, une rencontre indirecte est prévue ce samedi 12 avril à Oman entre le ministre iranien des Affaires étrangères et l’Envoyé spécial américain, Steve Witkoff.
Encore une tentative de dialogue avec un régime qui n’a jamais honoré ses promesses. Pour les mollahs, l’arme nucléaire n’est pas un choix stratégique, c’est leur assurance-vie.
Arié, pourquoi selon-vous continuer de négocier avec l’Iran devient dangereux ?
Parce que c’est une stratégie perdante depuis le début.
Depuis plus de deux décennies, l’Occident s’acharne à contenir l’Iran par la voie diplomatique et les sanctions. Depuis les révélations sur les installations nucléaires secrètes en 2002, les discussions se sont enchaînées : Paris, Genève, Vienne … et toujours le même scénario. L’Iran accepte des compromis temporaires, puis les viole. Les mollahs ont perfectionné l’art de gagner du temps, exploitant chaque round de pourparlers pour continuer discrètement leur programme nucléaire sous prétexte d’objectifs civils.
Chaque jour passé à négocier est un jour gagné pour la République islamique d’Iran.
La lenteur diplomatique, le vernis des protocoles et la naïveté stratégique des grandes puissances donnent à l’Iran un avantage décisif. On se répète inlassablement que « l’Iran ne doit jamais obtenir l’arme nucléaire », pendant que, dans les faits, Téhéran s’en rapproche inexorablement.
Les États-Unis et l’Europe peuvent encore se permettre une posture attentiste : pour eux, la menace paraît lointaine, presque théorique. Pour Israël, elle est existentielle.
Un Iran nucléaire neutraliserait la capacité de dissuasion israélienne, et placerait les alliés du régime – Hezbollah, Hamas, Houthis – sous un bouclier atomique. Toute liberté d’action pour s’en défendre serait alors gravement entravée.
Donald Trump rêve d’un « grand deal » avec l’Iran. Mais un JCPOA 2.0, avec sa signature à la place de celle d’Obama, serait répéter les mêmes erreurs avec une nouvelle encre. L’Iran n’a aucun intérêt à négocier sincèrement.
Comme Vladimir Poutine, qui feignait d’être ouvert à la paix en Ukraine pendant qu’il consolidait ses gains, les mollahs avancent masqués. Leur objectif est clair : atteindre le seuil nucléaire avant qu’on ne les en empêche.
Arié, selon vous, la guerre est-elle inévitable ?
Le choix n’est plus entre la guerre ou la paix, mais entre une guerre préventive et un désastre stratégique. Laisser un État terroriste — encore plus nocif que la Corée du Nord — se sanctuariser avec l’arme nucléaire serait un péril irréversible pour l’humanité tout entière.
Israël dispose des capacités nécessaires pour frapper les infrastructures clés du programme nucléaire iranien. Il l’a déjà fait par le passé : en Irak en 1981, en Syrie en 2007. Cette fois, l’opération serait plus vaste, plus complexe, mais pas impossible. Elle viserait les sites d’enrichissement d’uranium, les stocks existants, mais aussi les missiles balistiques et certaines bases aériennes.
Certes, un feu vert de Washington serait idéal, notamment pour bénéficier d’un soutien logistique, comme les avions-ravitailleurs et certaines munitions de haute précision. Mais l’absence de ce soutien ne saurait retarder indéfiniment une action qui, chaque jour, devient plus urgente.
Certes, les risques d’escalade régionale sont réels. Mais l’alternative serait bien pire : un Iran nucléaire déclencherait une course à l’atome dans toute la région. L’Arabie saoudite, l’Égypte, la Turquie et bien d’autres ne resteraient pas les bras croisés. Le Moyen-Orient deviendrait une poudrière nucléaire.
Il ne faut pas oublier que le régime iranien est déjà affaibli : économiquement asphyxié, militairement diminué, intérieurement contesté. Des frappes ciblées pourraient non seulement neutraliser la menace, mais aussi rouvrir la voie à un changement de régime — porté par un peuple qui rêve de se libérer du joug théocratique.
Donald Trump, qui a promis monts et merveilles sur tous les fronts, ne peut pas se permettre un fiasco iranien après les revers en Ukraine. S’il entend encore offrir aux mollahs une ultime chance d’éviter le pire, la rencontre prévue à Oman s’apparente à une négociation de la dernière chance.
La diplomatie touche désormais à ses limites. Si l’Iran refuse d’entendre raison, alors la guerre — aussi redoutée et terrifiante soit-elle — s’imposera, hélas, comme un mal nécessaire.
Arié Bensemhoun
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.