Avec l'épidémie de coronavirus, c'est tout le comportement quotidien qu'il faut modifier. Le confinement, le maintien des distances, la limitation des rassemblements, tout cela pèse partout et sur tout le monde. Mais en Israël, peut-être un peu plus qu'ailleurs. Dans un pays qui s'est reconstruit dans un environnement hostile, et avec des vagues d'immigration venues de cultures et de pays différents, le sentiment de collectivité et de communauté est devenu un pilier de la vie sociale.
Même si la société israélienne est composée de secteurs différents, tous ont en commun le besoin d'être ensemble. En Israël, le repas du vendredi soir est une occasion de regrouper la famille, y compris chez ceux qui ne respectent pas le Shabbat. Dans un pays où 44% se définissent comme totalement laïcs, les 56% restants vont de partiellement traditionalistes à ultra-orthodoxes, autrement dit attachés à des degrés divers à la pratique ou au moins à la tradition religieuse. Les fêtes religieuses et surtout les célébrations familiales sont le prétexte à réunir les proches, les amis, les voisins, les collègues de travail. Pour une barmitsva ou un mariage, c'est par centaines que l'on compte les invités, quitte souvent à s'endetter pour réunir le plus de monde possible. Autant d'occasions de rassemblements qui ponctuent la vie sociale et familiale et auxquelles il n'est pas facile de renoncer.
Moments partagés
Les cérémonies nationales, les festivités dans les écoles rythment aussi la vie des Israéliens. Durant les huit jours qui suivent la semaine de Pessah, les cérémonies du Yom Hashoah, puis du Yom Hazikaron, qui marquent l'hommage à tous ceux qui sont tombés dans les combats d'Israël et bien sûr les festivités du jour de l'Indépendance, rassemblent toute la population. Il n'y a pas un quartier, pas un kibboutz, pas une communauté qui n'organise ses cérémonies, où l'on se retrouve par centaines, parfois par milliers de personnes. En Israël, ces moments sont inconcevables s'ils ne sont pas partagés.
Même au quotidien, la vie sociale passe par la convivialité. On se retrouve sur les gradins des stades, on piquenique ensemble dans les parcs, on flâne en groupes dans les centres commerciaux ou les galeries marchandes. On l'aura compris, les Israéliens ne sont pas des fanatiques de la solitude ni de l'isolement. Si les plus religieux s'abstiennent de toute proximité avec les personnes du sexe opposé, pour le reste poignées de mains, embrassades et accolades font partie de la base des rapports sociaux.
Ce qui angoisse les Israéliens, c'est moins la dangerosité du virus que le retrait social qu'il implique. Prompts à se disputer et à s'invectiver pour le moindre désaccord sur une question politique ou une place de parking, ils sont tout aussi rapides à s'unir contre une menace extérieure. Face à la guerre ou au terrorisme, les Israéliens font front ensemble et attachent une grande importance à préserver toutes les occasions de se réunir, quitte parfois à se mettre en danger. Mais face à la menace invisible d'une épidémie, ou le voisin de palier peut devenir un danger, les Israéliens attendent plus que tout le moment où ils pourront de nouveau, sans crainte partager les réjouissances comme les engueulades. Parce que râler tout seul, c'est nettement moins drôle.
Pascale Zonszain
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