Décidément, la diplomatie israélienne peut encore réserver des surprises. On n'en est pas encore à des médiations israéliennes dans des conflits régionaux, mais au moins à la surveillance prudente d'un contentieux qui pourrait mal tourner dans l'est de la Méditerranée.
On le sait, les gisements d'hydrocarbures découverts dans cette région, l'ont rendue beaucoup plus attractive économiquement, ce qui a évidemment aiguisé les appétits. Plusieurs des Etats qui bordent l'est du bassin méditerranéen ont passé des accords de reconnaissance mutuelle de leurs eaux économiques, dans le cadre de la convention internationale de 1982 sur le droit de la mer, ou des accords sur l'exploitation du gaz, comme celui passé en 2018 entre Israël et l'Egypte. Bref, tout le monde ou presque s'était organisé, sauf La Turquie, qui s'était d'abord désintéressée de la question, avant de réaliser qu'elle risquait de passer à côté d'un pactole. Pour entrer dans la course, elle a passé il y a quelques mois un accord avec la Libye, ou plutôt la faction du GNA, qui tient une partie du pays, déchiré par la guerre civile. Objectif d'Ankara : dessiner une frontière maritime commune lui permettant de prétendre à l'accès et à la prospection de gisements de gaz. Mais la Turquie entre du même coup en concurrence directe avec la Grèce et aussi avec l'Egypte, voisine de la Libye. Et donc, l'Egypte et la Grèce ont décidé de se rapprocher en signant à leur tour le mois dernier, un accord sur leur frontière maritime commune.
Cela commence à faire beaucoup de facteurs de tension, sachant que l'on a d'un côté deux pays membres de l'OTAN – la Grèce et la Turquie – et de l'autre des pays qui sont en concurrence sur d'autres fronts, comme la Turquie et l'Egypte sur le théâtre libyen, où l'on retrouve aussi dans le camp antiturc et anti-islamiste … les Emirats Arabes Unis, comme par hasard. Une sorte de coalition occidentale qui vise aussi à freiner les appétits de la Turquie dans la région, comme le Forum EastMEd Gas Forum, devenue une véritable organisation internationale et qui regroupe sept membres dont la Grèce, l'Egypte, Israël ou encore l'Italie et Chypre et soutenue par la France et les Etats-Unis.
Dans cette région stratégique, Israël est donc un acteur à part entière, lié aux autres par des intérêts communs. Même si la crise sanitaire et la chute des prix du carburant rendent moins attractifs les projets d'exportation de gaz vers l'Europe, l'enjeu économique reste substantiel. D'ailleurs, sous l'égide des Etats-Unis, Israël et le Liban seraient en passe de résoudre leur litige sur la définition de leur frontière maritime commune, toujours sur fond d'exploitation des champs gaziers. Si la négociation aboutit dans les semaines qui viennent, comme on le pense à Washington, ce serait encore un bon résultat pour la diplomatie israélienne.
Pour Jérusalem, l'intérêt est évidemment que la Méditerranée orientale reste calme. Il y a suffisamment à faire avec les fronts continentaux d'Israël, sans en ajouter un au large de ses côtes, sa seule ouverture vers l'ouest. Et puis, il n'est pas utile non plus de laisser la Turquie d'Erdogan s'immiscer encore plus dans les territoires palestiniens et en particulier à Gaza. Israël est en suffisamment bons termes avec les autres acteurs de cette crise est-méditerranéenne pour désamorcer une partie des tensions. Il y aurait effectivement une carte diplomatique à jouer.
Pascale Zonszain
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