En Israël, tout le monde est d'accord: la situation sanitaire est dramatique, mais c'est sur la façon de sortir de la crise que personne ne s'entend. On a déjà fait de nombreuses fois la comparaison, pour décrypter la mentalité israélienne, entre la guerre des Six Jours et la guerre de Kippour. Elle avait servi pour le premier confinement du printemps et permis de comprendre la réactivité des Israéliens, comme lors de la guerre de juin 67. Elle peut resservir encore, pour tenter de comprendre pourquoi cette fois le pays s'enlise face à la nouvelle offensive du Covid. Les informations étaient disponibles, leur analyse aussi, tout comme les recommandations stratégiques et tactiques pour contenir les risques d'une seconde vague épidémique. Mais comme en 1973, les décisions n'ont pas suivi ou leur ampleur a été insuffisante.
Là encore, les comptes rendus dramatiques sur la saturation des hôpitaux, l'insuffisance des effectifs, les désaccords entre les différents acteurs et décideurs politiques et professionnels, ressemblent étrangement à ce que l'on pouvait entendre aux premiers jours d'octobre 1973, sur les soldats manquant d'armes, de munitions ou même de vivres au début de la guerre et qui devaient rejoindre leurs unités au front avec les moyens du bord. Les querelles au sein de l'état-major de Tsahal ou entre les responsables de la défense et les membres du gouvernement israéliens n'ont été révélées que plus tard, mais elles existaient bel et bien.
On compare ce virus à une guerre, ce qui est vrai par certains aspects. Sauf que, contrairement à ce qui se passe en temps de guerre, pratiquement toutes les informations parviennent au public en temps réel. Et c'est évidemment très déstabilisant. Mais en 1973, l'angoisse n'était pas moindre.
Sauf que ce n'est qu'après les hostilités, que l'on a pris la mesure des erreurs commises. Une commission d'enquête avait répertorié toutes les décisions, politiques et militaires qui avaient précédé et accompagné le conflit, pour désigner les responsables et rectifier les carences. Mais cela avait pris de longs mois. Aujourd'hui, face à l'épidémie, tout se passe simultanément, à chaud, sans le recul nécessaire à l'analyse et la compréhension des événements, ce qui ajoute encore aux pressions sur les acteurs de la crise sanitaire. Ou quand l'hyper-démocratie devient anxiogène, voire tétanisante.
Les Israéliens ont du mal à faire le tri entre ce qui est vital et ce qui l'est moins. Mais ils comprennent parfaitement qu'ils doivent veiller à la santé de leur famille et de leurs enfants, ou qu'ils doivent s'assurer que leurs revenus seront suffisants pour leur permettre de tenir au plus fort de l'épidémie si elle les empêche de travailler. En Israël, on est formé dès le plus jeune âge à suivre des protocoles adaptés aux événements. Qu'il s'agisse des gestes à faire en cas de tremblement de terre, de bombardement, d'attaque terroriste, ou même d'incursion d'un serpent dans la cour de l'école, tout est calibré. Ce qui leur manque aujourd'hui, c'est un protocole Covid, au-delà des gestes barrières. Si les consignes sont cohérentes et identiques pour tous, elles seront suivies. Quoi qu'on en dise, les Israéliens sont encore des gens disciplinés.
Pascale Zonszain
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