Il ne se passe pratiquement plus un jour sans que l'on rapporte des échauffourées avec la police dans l'une des localités orthodoxes d'Israël. Le reconfinement a coïncidé avec les fêtes du mois de Tichri, depuis Rosh Hashana et jusqu'à Soukkot, qui sont évidemment l'occasion de prières, et de rassemblements festifs ou d'étude pour les Juifs pieux. Si tous étaient touchés, seuls les ultra-orthodoxes se sont révoltés. Bravant les consignes, ils ont été des centaines à se regrouper dans les synagogues ou autour de leurs rabbins. Presque à chaque fois que la police a tenté de disperser les fidèles, à Jérusalem, à Modiin Ilit ou à Bnei Brak, cela a tourné à l'affrontement.
Les forces de l'ordre sont pourtant accoutumées à ce type de confrontation avec certains courants orthodoxes radicaux qui n'hésitent pas à devenir violents. Les scènes d'émeutes sont monnaie courante, quand il s'agit de marquer son territoire contre la circulation des voitures pendant le Shabbat, pour empêcher des fouilles archéologiques sur un site supposé contenir des sépultures, ou pour protester contre le service militaire obligatoire. Jets de pierres, de bouteilles, voire de couches sales, incendies de bennes à ordure, font partie du folklore. Et c'est exactement ce qui se passe depuis ces dernières semaines.
Sauf que ceux qui participent à ces troubles ne sont plus seulement des petits groupes fanatiques, mais des harédim de toute tendance. Et si certains suivent les ordres de leur chef de communauté, les autres sont livrés à eux-mêmes. Car il n'y a plus de voix qui réussisse à se faire entendre par tous. Les dernières grandes figures du monde harédi de la fin du XXe siècle n'ont pas laissé d'héritier de la même influence. Chaque communauté se replie donc sur son propre rabbin.
Il faut encore préciser une chose importante. Ceux dont on parle ici sont les ultra-orthodoxes ashkénazes. Chez les séfarades et les orientaux, l'adhésion au monde harédi est plus récente et plus structurée, même depuis la disparition du rav Ovadia Yosef. La hiérarchie autour du Conseil des Sages qui dicte aussi leur ligne aux élus du parti Shas continue à fonctionner.
Pour les ultra-orthodoxes ashkénazes donc, le problème dure déjà depuis quelques années, mais il s'est aggravé et accéléré avec la crise du Covid. L'absence d'une autorité qui fédère tous les courants, les deux partis ashkénazes représentés à la Knesset qui n'ont pas non plus d'influence décisive sur leurs électeurs, la modernisation aussi de la société orthodoxe, qui s'ouvre aux médias électroniques, même s'ils restent ceux de leur courant, tout cela modifie les comportements. Pour certains, c'est même une croisée des chemins : se refermer sur des communautés plus radicales, ou devenir des citoyens à part entière dans la société israélienne, quitte à devenir aussi des individus et plus seulement des membres d'un groupe. Les répercussions de la crise sanitaire devraient changer en profondeur la société orthodoxe israélienne. Mais pour l'instant, cela ressemble plutôt au chaos.
Pascale Zonszain
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