Habitude ou seconde nature : en Israël, on ne peut rien faire comme tout le monde. Lutter contre l'épidémie c'est bien, mais comme il faut absolument se distinguer, on y ajoute une mesure politique. Et le bras de fer entre le Likoud et le parti Bleu Blanc s'est transformé en lutte entre les trois pouvoirs.
Le gouvernement de transition est toujours dirigé par Benyamin Netanyahou et toujours composé des seuls partis du bloc de droite, avec quelques remaniements. C'est ce cabinet qui continuera à siéger aussi longtemps qu'il n'y aura pas d'accord de coalition pour la formation d'un nouveau gouvernement. Ce faisant, le gouvernement de transition peut prendre les décisions dictées par la lutte contre le coronavirus.
Le parlement est celui qui est sorti des urnes lors du scrutin du 2 mars et qui a été investi il y a maintenant une semaine. Cette 23e Knesset est composée des députés de huit partis, dont aucun – faut-il le rappeler ? – n'a obtenu la majorité absolue. Donc pour former une majorité d'où sortira un gouvernement, il faut un accord de coalition. Mais la Knesset a aussi sa propre organisation. Elle doit composer ses différentes commissions et nommer son nouveau président, dont élection doit avoir lieu au plus tard à l'investiture du gouvernement. D'habitude, les partis se mettent d'accord avant l'expiration de ce délai. Cela avait été le cas lors des deux précédentes échéances électorales d'avril et de septembre et le choix s'était porté sur Yuli Edelstein, reconduit dans ses fonctions depuis 2015.
Cette fois pourtant, impossible de se mettre d'accord. Bleu Blanc fait de l'élection du président de la Knesset un enjeu de fond, alors qu'elle n'est d'ordinaire qu'une procédure de forme. Le parti centriste considère en effet que le président sortant du parlement, l'élu Likoud Yuli Edelstein, va bloquer toutes les initiatives législatives qui pourraient limiter ou empêcher le maintien de Benyamin Netanyahou à la tête de l'exécutif. Le Likoud de son côté, estime que le parti Bleu Blanc cherche à renverser le Premier ministre.
Yuli Edelstein, qui a pourtant un long contentieux personnel avec Benyamin Netanyahou, se retrouve dans le rôle très inconfortable du fusible, sur lequel appuient centristes et conservateurs. Quelle que soit sa décision, il sera de toute façon accusé d'avoir favorisé un camp contre l'autre.
Et pour compliquer encore le tableau, c'est la Cour Suprême qui doit maintenant fixer l'ordre du jour de la Knesset. Les juges ont mis en demeure Yuli Edelstein de convoquer d'ici demain une assemblée plénière pour l'élection du nouveau président de la Knesset. Les magistrats ne l'ont évidemment pas fait de leur propre initiative, mais parce qu'ils ont été saisis d'une requête sur la question. Ce qui pose pourtant la question de la séparation des pouvoirs. Le pouvoir judiciaire peut-il interférer dans le fonctionnement du pouvoir législatif ?
Les juges israéliens, comme l'ensemble des citoyens préfèreraient que le différend se règle sans leur intervention. Car plus que jamais, pour traverser cette terrible crise sanitaire, le pays a besoin d'avoir une confiance absolue dans ses institutions et ses dirigeants. Et là, c'est vraiment une question de vie ou de mort.
Pascale Zonszain
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