D'abord, il faut rappeler quelques fondamentaux. L'Etat d'Israël n'a pas de constitution. Mais au fil des années, les lois fondamentales votées par la Knesset et les décisions des tribunaux qui font jurisprudence, ont formé un ensemble de références dans lequel la Cour Suprême va puiser pour dire si telle ou telle mesure est conforme à ce que serait l'esprit de la constitution. Encore un point : jusqu'à présent, la Cour Suprême israélienne s'est toujours abstenue de se prononcer sur une loi fondamentale. Une loi est dite fondamentale quand elle porte sur des sujets constitutionnels, comme le statut du gouvernement ou du parlement, ou encore sur des sujets comme les libertés individuelles. A part ça, elles sont votées comme les autres lois et peuvent être modifiées ou annulées par un vote du parlement à la majorité simple.
Quand, à la suite des élections législatives de mars dernier, le Likoud et le parti centriste Bleu Blanc ont négocié leur accord de coalition pour former un gouvernement d'union, ils ont voulu que les termes de l'accord soient protégés par la loi, afin d'en garantir l'exécution. Pour cela, ils ont fait voter une modification de la Loi fondamentale sur le Gouvernement, qui a permis notamment d'instituer la fonction de Premier ministre suppléant, qui n'existait pas auparavant.
Le parti Meretz et plusieurs associations ont saisi la Cour Suprême pour demander qu'elle déclare cette réforme inconstitutionnelle. Et à la surprise générale, la présidente de la Cour, Esther Hayout n'a pas rejeté la requête. Elle a ordonné au gouvernement et à la Knesset d'expliquer pourquoi ces amendements ne devraient pas être annulés. Dans un arrêt précédent, la juge avait averti que la Cour Suprême pourrait étudier l'annulation d'une loi fondamentale si le texte allait à l'encontre de la nature démocratique de l'Etat ou si elle ébranlait les piliers de l'édifice constitutionnel. Ce serait le cas d'une loi qui retirerait le droit de vote aux femmes, par exemple.
Ceux qui ont saisi la Cour Suprême affirment que les électeurs, quand ils ont voté, ne savaient pas qu'ils se retrouveraient avec un Premier ministre suppléant. Et surtout, qu'il y avait des moyens moins définitifs pour faire fonctionner l'accord de coalition, que de modifier une loi fondamentale.
On ne peut évidemment pas préjuger de la décision des juges, mais le fait qu'ils aient décidé d'aller plus loin dans la discussion juridique est déjà un indicateur. S'ils décident de retoquer la réforme de la loi fondamentale sur le gouvernement, cela veut dire que l'accord de coalition sera invalidé, avec pour conséquence, la chute du gouvernement, la dissolution de la Knesset et des élections dans la foulée. Pour Benyamin Netanyahou, ce serait l'occasion de tenter de reformer autour de lui une majorité de droite, alors que pour Benny Gantz, ce serait probablement la fin de son parti et de sa carrière politique.
Mais au-delà, cela relancerait le débat sur l'influence de la Cour Suprême israélienne, entre ceux qui soutiennent son rôle de gardien de l'état de droit et ceux qui l'accusent de se substituer aux élus du peuple et de menacer la démocratie. Une discussion qui ne cessera que quand Israël aura une constitution.
Pascale Zonszain
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