Entre Jérusalem et Riyad, le dialogue ne date pas d'hier. Mais outre quelques projets économiques qui n'ont jamais vu le jour et quelques gestes humanitaires au fil des années, c'est réellement depuis la fin des années 2000, que les contacts se sont vraiment établis. En fait lorsque les deux pays se sont trouvé un point commun : leur inquiétude face à la montée en puissance de l'Iran dans la région. On sait qu'en 2009, Meir Dagan alors chef du Mossad, s'était rendu en visite secrète en Arabie Saoudite, à l'époque où Israël cherchait déjà à enrayer le programme nucléaire militaire de l'Iran. Depuis, les deux pays avaient entamé un dialogue sécuritaire régulier, même s'il n'a jamais été aussi étroit que celui qu'entretenait Israël avec les Emirats Arabes Unis.
Au début de la dernière décennie, les révoltes du Printemps Arabe ont affaibli plusieurs régimes arabes, tandis que le royaume saoudien maintenait sa stabilité, ce qui a aussi intéressé Israël. Et avec l'influence croissante de Mohammed ben Salman et sa volonté de moderniser le pays, un rapprochement, même prudent avec Israël, servait aussi ses intérêts, notamment vis-à-vis de l'occident.
Mais ces facteurs ne suffisent pas à eux seuls à décider l'Arabie Saoudite à sauter le pas de la normalisation. Sa position de première puissance sunnite l'oblige à conserver en mains un maximum d'atouts, à commencer par le dossier palestinien. L'initiative de paix de la Ligue Arabe de 2002 est l'œuvre des Saoudiens. Elle avait été soutenue par les Etats Unis et par l'Union Européenne, mais rejetée par Israël, car elle comportait une clause sur le droit au retour des réfugiés palestiniens. Mais Riyad ne se défera pas de cette carte, qui serait aussitôt reprise par ses rivaux régionaux, l'Iran ou la Turquie, qui en profiteraient aussi pour remettre en cause le statut religieux de l'Arabie Saoudite dans le monde islamique.
Il faut d'ailleurs noter dans le domaine religieux, une relative ouverture saoudienne ces dernières années à l'égard du judaïsme, à travers un début de dialogue interreligieux, qui est aussi un moyen de se rapprocher d'Israël.
Pour Israël, il est certain qu'un accord de normalisation avec l'Arabie Saoudite serait une victoire majeure, car cela bouleverserait tout l'équilibre des forces au Proche-Orient, étant donné justement le rôle central des Saoudiens. Mais le prix à payer serait sans commune mesure avec celui des accords avec Bahreïn ou les Emirats Arabes Unis. Riyad ne se contentera pas d'un abandon du projet d'annexion des implantations de Judée Samarie et exigera d'autres concessions israéliennes aux Palestiniens. Toujours la référence à son initiative de paix de 2002.
Et puis si l'alliance avec Israël doit renforcer sa position face à l'Iran, l'Arabie Saoudite réclamera aussi probablement des Etats-Unis d'accéder elle aussi à des armements stratégiques, à côté desquels la commande émiratie de 50 chasseurs furtifs F-35 aura l'air d'une flânerie dans un grand magasin. Autrement dit, cette fois, le risque sera réel pour Israël de perdre sa fameuse supériorité qualitative militaire. Et si l'on ajoute le changement d'administration à Washington, Israël et l'Arabie Saoudite pourraient privilégier les petits pas, sur la voie de la normalisation.
Pascale Zonszain
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