La normalisation prend des aspects inattendus. L'entrée d'un sheikh émirati pour 50% du capital du club de football Beitar Yerushalayim en est un. Même si la transaction était en pourparlers depuis le mois de septembre et que le propriétaire du club n'en faisait pas mystère, l'affaire paraissait presque trop incongrue pour se réaliser.
Il faut dire que le club Beitar de Jérusalem est un symbole en Israël. D'abord parce que l'équipe sportive porte le nom d'un mouvement politique. Plus exactement un mouvement de jeunesse sioniste révisionniste, fondé par Zeev Jabotinsky, en hommage à Yosef Trumpeldor. On est donc au cœur de l'histoire de l'idéologie nationaliste juive d'avant l'indépendance d'Israël.
D'ailleurs, même le club sportif date de 1936 et durant des décennies, il faisait la fierté des habitants de Jérusalem, qui se pressaient sur les gradins du stade, proche de l'hôtel King David, pour soutenir leur équipe. Si le club a connu des fortunes diverses sur le plan sportif, i est aussi connu pour l'un de ses groupes de supporters les plus fervents, "La Familia". Outre leur enthousiasme, les supporters de La Familia se sont aussi fait remarquer à de nombreuses reprises pour un nationalisme qui pouvait souvent basculer dans le racisme anti-arabe. On passera sur les slogans xénophobes entendus au cours de certains matches, surtout contre les joueurs ou les équipes arabes d'Israël, mais dont on peut imaginer la virulence.
Pourtant, le Beitar Yerushalayim ne se limite évidemment pas à ses supporters. Cela dit, il peut paraitre surprenant que ce soit justement ce club qu'ait choisi le Sheikh Hamed ben Khalifa al Nahyan comme premier investissement sportif en Israël. Mais il est vrai que c'est son propriétaire Moshe Hogeg, qui est allé lui proposer la transaction, quand il a appris que le membre de la famille royale d'Abu Dhabi cherchait des projets en Israël. Même si Hamed ben Khalifa s'est engagé à investir environ 90 millions d'euros sur les dix prochaines années dans le club de Jérusalem, on peut estimer que le projet est moins financier que symbolique.
A la tête d'un fonds d'investissement qui porte ses initiales, Sheikh Hamed n'en est pas à sa première transaction en Israël. En septembre, il a passé un accord avec la firme israélienne Sure Universal, pour la commercialisation de son système d'assistance médicale à distance pour les personnes âgées. On est donc très loin du sport. D'ailleurs, d'autres sociétés et fonds des Emirats se sont déjà mis en quête d'investissements dans des sociétés israéliennes, dans les domaines de l'innovation, de la biotechnologie, des énergies renouvelables ou encore du Foodtech. Mais les investisseurs émiratis ne dédaignent pas non plus d'autres domaines, tels que l'immobilier de rapport et de tourisme, notamment en cherchant des terrains ou des immeubles qui pourraient être utilisés à la construction d'hôtels, y compris à Jérusalem.
Ce qui boucle la boucle. D'un club de foot à l'immobilier, les Emirats tiennent aussi à imprimer leur marque dans la capitale israélienne, qui reste aussi pour eux un site religieux dont ils ne négligent pas l'importance, surtout pour l'influence qu'elle peut leur donner dans le monde arabo-musulman.
Pascale Zonszain
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