Les campagnes électorales, on le sait, se bâtissent sur des slogans. En Israël, deux en particulier ont fait florès depuis deux ans. D'un côté : "tout sauf Bibi" employé par les partis du centre et de la gauche et qui se focalisait donc sur la personne du chef du Likoud. Et de l'autre "Bibi ou Tibi", utilisé par les partisans de Benyamin Netanyahou, qui le présentaient comme le rempart contre une supposée union de la gauche et des députés arabes, dont le plus célèbre d'entre eux, Ahmed Tibi.
Il s'agissait donc d'une compétition entre deux camps politiques à peu près identifiés, et surtout où s'opposaient deux partis de poids électoral comparable : le Likoud et l'union centriste Bleu Blanc. Mais de cette configuration, il ne reste plus grand-chose pour le scrutin du 23 mars prochain. Si le Likoud est toujours là, et qu'il conserve la tête dans les intentions de vote, en revanche, face à lui, les adversaires ont changé. Le parti centriste, qui, on s'en souvient, était une alliance de quatre mouvements différents qui ont fait la course électorale ensemble lors des trois derniers scrutins, s'est scindé en deux blocs quand Benny Gantz et Gabi Ashkenazi ont rejoint la coalition et que Yaïr Lapid et Moshe Yaalon sont allés dans l'opposition. Seulement, le morcellement a continué dans ce qui restait de Bleu Blanc. Plusieurs de ses députés ont fait défection et ont même voté contre le dernier compromis qui aurait dû empêcher la dissolution du parlement. Autrement dit, il ne reste plus à Benny Gantz qu'une petite dizaine de députés. Quant à sa base électorale, elle fond un peu plus à chaque sondage, pour frôler dangereusement le seuil de représentativité à la Knesset.
Si aucune autre formation n'émerge sur ce créneau politique de centre-gauche dans les six semaines qui viennent, c'est-à-dire jusqu'à la fin du délai de dépôt de candidatures, Benyamin Netanyahou devra réviser sa campagne traditionnelle de "moi ou la gauche". Le maire de Tel Aviv Ron Huldaï est sur les rangs, mais il n'a pas la stature d'un leader centriste au niveau national. Et ce n'est pas ce qui subsiste du parti Travailliste, qui doit d'ailleurs se trouver une nouvelle tête de liste, ni même le parti Meretz, qui peuvent représenter pour lui une menace sérieuse, même dans le cadre d'une improbable alliance avec la Liste Arabe.
Donc, le Premier ministre Likoud part en campagne avec face à lui, des figures politiques de son propre camp. Si Avigdor Liberman, avec son parti Israël Beitenou est trop sectoriel, en revanche Gideon Saar et Naftali Bennett peuvent prétendre au fauteuil de chef de gouvernement. Leur positionnement idéologique est dans les grandes lignes celui du Likoud, dont Gideon Saar est issu, voire plus nationaliste. Naftali Bennett peut compter sur l'électorat sioniste religieux, tandis que Saar entretient d'excellentes relations avec le public ultra-orthodoxe. Netanyahou aura donc du mal à les faire passer pour des suppôts de la gauche.
Tout se jouera, pour Bennett et Saar sur leur crédibilité en alternative de droite. Quant à Netanyahou, s'il veut garder la main, il lui faudra trouver un repoussoir convaincant pour se démarquer de ses rivaux. Peut-être l'électorat de centre-gauche qui, par défaut, pourrait voter, pour le remplacer, même pour un candidat de droite.
Pascale Zonszain
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