C'est Kobi Shabtaï, l'actuel commandant des gardes-frontière, qui va prendre la direction de la police israélienne, après plus de deux ans de vacance du poste. Depuis le départ en 2018 du précédent patron, Rony Alsheikh, les crises politiques successives avaient retardé la nomination d'un successeur et le choix de Shabtaï n'a pas fait l'unanimité, puisque quatre officiers supérieurs, dont Moti Cohen, celui qui avait assuré l'intérim, ont décidé de prendre leur retraite. Des défections qui ne vont pas faciliter la tâche du nouveau patron, alors que ses effectifs sont déjà épuisés par une année éprouvante.
La police a été en première ligne pour faire respecter le confinement, verbaliser ceux qui violaient les restrictions sanitaires ou refusaient de porter le masque. Ce sont les policiers qui ont dû essuyer la colère des habitants des agglomérations orthodoxes qui protestaient contre la fermeture des synagogues et des yéchivot. Depuis l'éruption de l'épidémie de Covid, les policiers israéliens se sont révélés largement impuissants à faire appliquer les consignes fixées par le gouvernement, largement par manque de moyens et d'effectifs.
C'est surtout dans le secteur arabe israélien que le bilan est le plus mauvais. La violence et la criminalité, déjà bien ancrées, ont fait un bond en 2020, avec 97 victimes de crimes de sang depuis le début de l'année. Un chiffre qui dépasse de loin la proportion démographique de la communauté arabe dans la population israélienne. Là encore, la police a été dépassée par l'ampleur du phénomène, qui touche pratiquement toutes les localités arabes du pays, que ce soit en Galilée ou dans le Néguev ou dans les villes mixtes du centre d'Israël. Qu'il s'agisse de règlements de comptes entre bandes rivales, de vendettas familiales ou de crimes dits 'd'honneur' autrement dit des meurtres de femmes, rien n'a pu enrayer la vague de violence, sans compter les vols, déprédations et autres rackets qui minent littéralement la communauté arabe. Depuis les émeutes d'octobre 2000, la police a déserté de nombreuses localités arabes et la population ressent une insécurité croissante.
Par ailleurs, les manifestations qui se répètent toutes les semaines depuis la fin du printemps pour protester contre le Premier ministre ont également mis la police en position difficile. Si ces manifestations restent globalement beaucoup moins violentes que des contestations analogues dans d'autres démocraties, chaque incident et dispersion de rassemblements a donné lieu à de vives critiques contre les forces de l'ordre.
La police israélienne se retrouve clairement face à un déficit de confiance du public, comparé à d'autres institutions telles que Tsahal. Le fait que le ministre de la Sureté ait choisi pour la deuxième fois, d'aller chercher un commandant à l'extérieur, a aussi déçu les policiers, qui ont l'impression d'être sous-estimés, alors que leur chef précédent Rony Alsheikh, était ancien patron du Shin Beth, les services de sécurité intérieure. Quand la crise politique sera résolue, une des priorités du prochain gouvernement sera aussi de soigner le blues de la police israélienne.
Pascale Zonszain
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