Jusqu'à quel point la fracture dans la société américaine aura-t-elle des effets pour Israël ? Avec l'investiture du président Joe Biden, c'est une nouvelle ère qui s'ouvre dans les relations avec Israël et dont le président démocrate est peut-être, paradoxalement, le seul élément familier. Si le président Biden est depuis longtemps un ami d'Israël, pour la jeune génération de son parti, la perception pourrait être plus mitigée et influencée par l'ombre laissée par Donald Trump dans un climat intérieur troublé.
D'autant que la proximité d'Israël avec le camp conservateur est déjà ancienne. Dès le début des années 2000, Benyamin Netanyahou avait notamment compris l'intérêt pour Israël de se rapprocher de la communauté chrétienne évangélique, qui voit dans la renaissance d'Israël une étape vers la parousie, le retour du Christ sur terre. C'est sur cette base religieuse que les chrétiens évangéliques américains fondent leur soutien à l'Etat d'Israël, qui se traduit dans la ligne politique de leurs élus au parti républicain. Durant la période de la seconde intifada, c'est auprès des évangéliques que Netanyahou allait plaider la cause d'Israël, pour qu'ils fassent à leur tour pression sur Washington. C'est encore auprès d'eux et aussi du parti républicain que le Premier ministre israélien est allé chercher un soutien, lorsque l'administration Obama a entrepris de négocier avec l'Iran un accord sur son programme nucléaire militaire. Et c'est toujours cette alliance qui a conduit le président Trump à opter pour une politique résolument pro-israélienne. On se souvient de sa déclaration durant sa campagne électorale l'été dernier, quand il avait affirmé que s'il avait décidé la reconnaissance de Jérusalem et le transfert de l'ambassade américaine dans la capitale israélienne, c'était "d'abord pour les évangéliques".
Mais en se concentrant sur le camp conservateur et religieux américain, Israël s'est moins investi dans le camp démocrate, qui a drainé depuis quelques années un public nouveau, plus issu des minorités ethniques et en particulier des latinos, moins intéressé par Israël et le peuple juif, et dont il ignore souvent l'histoire. Le parti démocrate compte plusieurs élus issus de l'immigration latino-américaine mais aussi musulmans, qui n'hésitent pas à critiquer Israël. Dans la jeune génération démocrate se développe un courant plus radical, qui regarde Israël à travers le prisme de la société américaine et qui prend position sur la politique intérieure israélienne, à l'image de ce candidat démocrate qui avait accusé Benyamin Netanyahou de racisme anti-arabe pendant la campagne législative israélienne de 2015. Sans parler des déclarations incendiaires de Bernie Sanders contre le Premier ministre israélien.
C'est donc aussi à Jérusalem que devra s'élaborer le rapprochement avec les démocrates. Dans un paysage politique américain traumatisé par des mois de polarisation et de division, Israël devra faire oublier sa proximité avec Trump et revenir aux fondamentaux. Le président républicain a effectivement agi pour Israël, mais l'alliance avec les Etats-Unis est avant tout bipartisane.
Pascale Zonszain
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