D'abord, il ne faut pas s'y tromper. Ceux qui ont agressé un chauffeur et incendié son autobus dans une rue de Bnei Brak, ceux qui ont attaqué des policiers, jeté des pierres, ou détruit du mobilier urbain à Mea Shéarim, à Beth Shemesh ou à Ashdod, ne sont pas toute la société ultra-orthodoxe israélienne. Il s'agit surtout de membres de petites communautés intégristes et de "jeunes en difficulté". Ces derniers sont présents dans la population orthodoxe israélienne, comme dans d'autres secteurs de la société. En situation de décrochage scolaire, ces adolescents sont livrés à eux-mêmes et prompts à la violence. Quant aux communautés radicales, qui refusent toute autorité autre que celle de leur rabbin, elles sont bien sûr antisionistes et considèrent les institutions d'Israël comme une puissance étrangère.
Ceci étant posé, les incidents auxquels on assiste ces jours derniers, touchent pratiquement tous les quartiers et localités ultra-orthodoxes d'Israël. Ils sont d'autant plus choquants dans une ville comme Bnei Brak, dans la banlieue de Tel Aviv, que ses habitants appartiennent majoritairement au courant central de l'orthodoxie, qui s'il n'est pas sioniste, accepte en tout cas l'Etat d'Israël. La plupart d'entre eux travaillent et commencent même à s'ouvrir à la modernité, tout en restant orthodoxes.
Pourtant, ils sont de plus en plus déchirés entre leur système traditionnel et l'autorité de l'Etat. Et depuis le printemps dernier, la crise sanitaire n'a fait qu'accentuer le phénomène. L'absence de leadership unifié autour d'une personnalité, comme c'était le cas jusqu'à la fin des années 90, rend la communication et la cohésion de la communauté de plus en plus difficile. A chaque annonce de nouveau confinement ou de restriction sanitaire, les messages contradictoires émanant de certains rabbins ajoutent à la confusion. Le gouvernement israélien délègue auprès du secteur orthodoxe des acteurs institutionnels chargés d'expliquer et de faire respecter les consignes. Mais ils ne peuvent rien sans l'aval du chef de chaque communauté. Quant à leurs représentants politiques, en tout cas les partis ashkénazes, ils sont clairement dépassés par la situation. Mais comme ils représentent toujours une force électorale, le gouvernement les ménage.
C'est ce que l'on a vu lors des confinements ciblés à la fin de l'été, et plus récemment avec la fermeture nationale des établissements scolaires. Au bout de quelques jours, les consignes n'étaient plus suivies par les groupes les plus radicaux, mais aussi par certaines cours hassidiques qui ordonnaient la réouverture de l'enseignement de la Torah pour les enfants et des yéchivot. Et c'est l'intervention de la police, souvent alertée par des résidents orthodoxes eux-mêmes, qui a mis le feu aux poudres.
Mais le fait que les orthodoxes constituent près d'un tiers des malades du Covid, soit plus du double de leur poids démographique dans la population israélienne, commencent à préoccuper leur secteur. Surtout depuis que le virus atteint des jeunes et des femmes enceintes. Car du même coup, ce sont deux de leurs piliers fondamentaux qui sont touchés : l'éducation et la famille. Ce qui les conduit à les faire douter de leur système d'isolement. Et plusieurs personnalités du secteur ultra-orthodoxe commencent à appeler à un véritable examen de conscience.
Pascale Zonszain
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