La nouvelle chef du parti Travailliste israélien s'appelle Merav Michaeli. Elle a été élue dimanche soir par les militants travaillistes et elle succède à Amir Peretz, l'actuel ministre de l'Economie du gouvernement Netanyahou. Et son premier acte politique a d'ailleurs été d'exiger la démission des deux ministres travaillistes du gouvernement. Oui, le parti Travailliste israélien, actuellement à son plus bas historique, avec seulement 3 députés dans le parlement sortant, réussit le paradoxe d'être en même temps dans la majorité et dans l'opposition. Et ce n'est qu'un des aspects de la crise qui n'en finit pas de plomber le parti qui fut le fondateur politique de l'Etat d'Israël.
On est évidemment très loin du Mapaï de David Ben Gourion, mais le parti Travailliste qui lui a succédé en 1968, est longtemps resté une force majeure du paysage politique israélien. Il est resté le parti de pouvoir jusqu'en 1977, date de sa première défaite face au Likoud de Menahem Begin. S'il est revenu à la tête du gouvernement à plusieurs reprises, le dernier Premier ministre israélien Travailliste a été Ehud Barak en 1999. Depuis lors, l'érosion du parti de gauche a été constante. Il n'y a qu'aux législatives de 2015 qu'il a frôlé la victoire quand son leader Itzhak Herzog avait fait alliance avec l'ancienne de Kadima, Tsipi Livni et que leur liste de l'Union Sioniste avait obtenu 24 mandats, mais devancée par le Likoud avec 30 mandats.
On peut faire remonter la ligne de fracture du parti Travailliste à l'assassinat de son leader et Premier ministre Itzhak Rabin en 1995. Mais son affaiblissement avait probablement déjà commencé. La libéralisation progressive de l'économie après la grave inflation des années 80, l'ouverture du pays, mais aussi l'évolution de la société, plus individualiste, plus traditionnaliste et moins tentée par le modèle socialiste. L'alyah de près d'un million de Juifs de l'ancien bloc soviétique dans les années 90 a encore accéléré le processus, car ces immigrants qui sortaient du régime communiste, ne voulaient plus entendre parler de socialisme.
C'est au cours de cette période que le paysage politique israélien a entamé sa mue, avec l'émergence de partis sectoriels, comme celui des russophones, mais aussi un nouvel attrait pour le centre. Ce qu'Ariel Sharon avait bien compris en fondant en 2005 le parti Kadima, emmenant avec lui une large partie de l'électorat du Likoud, mais en empiétant aussi sur celui du parti Travailliste.
Depuis, le parti de gauche s'est essayé sans succès à plusieurs transformations, justement en tentant de trouver sa place au centre. Il a aussi usé pas moins de neuf leaders au cours des 20 dernières années, en comptant Amir Peretz, réélu en 2019 après un premier mandat en 2006. Au cours des deux derniers scrutins législatifs, les Travaillistes ont dû faire alliance avec le petit parti Gesher, puis aussi avec le Meretz, juste pour ne pas se retrouver sous le seuil de représentativité à la Knesset, ce qui leur a donc permis d'afficher 3 élus dans le parlement sortant. Pour Merav Michaeli qui prend donc le relais alors que les sondages prédisent la disparition de son parti, une seule question se pose : avec qui faire alliance pour rester à la Knesset, sans perdre tout à fait son âme.
Pascale Zonszain
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