Difficile de mettre en avant sa différence, quand on partage le même créneau électoral avec deux autres partis. Naftali Bennett avait trouvé un angle prometteur, mais qui s'est révélé insuffisant. Le leader de Yamina a capitalisé sur la crise sanitaire. Il était encore le ministre de la Défense du gouvernement de transition au moment de l'éruption de l'épidémie en mars dernier. Depuis, il est retourné dans l'opposition, mais il n'a pas cessé d'aller sur le terrain à la rencontre des soignants et des experts dans tous les aspects de la crise. Il a même publié au cours de l'été un livre-programme sur la façon de vaincre le Covid. Ce qui permet à Bennett, non seulement de critiquer la gestion du gouvernement, mais aussi de s'en prendre à son rival Gideon Saar, qu'il accuse en toute occasion d'avoir été totalement absent du terrain et d'avoir été plus occupé à préparer sa campagne, qu'à aller à la rencontre du peuple. Mais cette tactique n'a pas produit les effets escomptés et son parti Yamina, un temps en deuxième position, s'est fait doubler par le Nouvel Espoir de Gideon Saar et surtout par le parti laïc de Yaïr Lapid.
Gideon Saar, quant à lui, préfère jouer sur l'ambiguïté de son rival, l'accusant de ne pas prendre parti clairement contre Benyamin Netanyahou, voire d'être son sous-marin, en détournant une partie de l'électorat de droite, qu'il ramènera ensuite dans le giron du chef du Likoud, en passant avec lui un accord de coalition. Mais dans les sondages, Gideon Saar ne décolle pas. Pire : il a perdu au cours des dernières semaines un tiers de son électorat dans les intentions de vote. Sa posture d'alternative à Benyamin Netanyahou, qui a un temps séduit l'électorat centriste et même de centre-gauche, semble avoir atteint ses limites. C'est Yaïr Lapid, et son parti Yesh Atid, qui sont en train de récupérer ce segment de l'électorat, qui voit en lui un rival plus crédible et surtout quelqu'un qui ne devrait pas s'allier avec les partis orthodoxes. Ce revirement est le résultat direct des tensions générées par la crise sanitaire, avec une partie de l'opinion qui estime que les ultra-orthodoxes portent une responsabilité dans l'épidémie, quand ils refusent de respecter les restrictions et les consignes de distanciation sociale. Si le raccourci est un peu trop simpliste, il est en tout cas le reflet d'un véritable mécontentement.
Mais le problème est plus complexe. Le parti Nouvel Espoir de Gideon Saar est trop récent. Créé il y a moins de deux mois par un transfuge du Likoud, il n'a pas eu le temps de se forger une identité propre. Il reste d'ailleurs identifié par son ADN d'origine, peut-être même plus que celui de Bennett. Gideon Saar est donc placé dans la position impossible où l'électorat de centre-gauche le délaisse pour Yaïr Lapid et où l'électorat de droite est aussi convoité par Bennett et Netanyahou. Si le patron du Likoud peut encore former une coalition autour du bloc de droite et avec Yamina de Naftali Bennett, il devra impérativement reprendre au moins un mandat à Gideon Saar. Un objectif qui n'est pas hors de portée pour Netanyahou.
Pascale Zonszain
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