Les choses sont allées plus vite que prévu. A Jérusalem, on pensait pouvoir tabler encore sur quelques mois de répit, et que la Procureure Fatou Bensouda, dont le mandat s'achève en juin, laisserait son successeur décider. Il y a tout juste un mois que la Chambre Préliminaire de la Cour Pénale Internationale avait décidé que la compétence de la juridiction s'étendait aux "territoires occupés par Israël", permettant ainsi à la Procureure d'ouvrir une enquête, ce qu'elle vient donc de faire.
Et tout est important, aussi bien sur le domaine de l'enquête que sur son calendrier. Concrètement, la CPI va examiner les faits survenus en Judée Samarie, dans la Bande de Gaza et à Jérusalem-est à partir du 13 juin 2014. C'est-à-dire au lendemain de l'enlèvement et de l'assassinat de trois adolescents israéliens par des terroristes du Hamas. Autrement dit, la mort des trois jeunes n'entre pas dans le cadre de l'enquête, alors que c'est leur assassinat qui a entrainé Israël dans la guerre contre le Hamas. Donc, dès le départ, la procédure est biaisée.
En ce qui concerne les faits examinés par la CPI : ce sont d'une part les opérations militaires menées contre le Hamas pendant l'opération Bordure Protectrice de l'été 2014 et les événements qui ont suivi, y compris les émeutes organisées par l'organisation terroriste sur la barrière de sécurité de la Bande de Gaza, à partir du printemps 2018, pour protester contre le transfert de l'ambassade des Etats-Unis à Jérusalem. Et le second volet de l'enquête porte sur la politique israélienne en Judée Samarie et dans la partie de Jérusalem annexée après la guerre de 1967.
Israël peut répondre qu'il dispose de ses propres institutions pour enquêter et sanctionner le cas échéant, sans avoir à en référer à une juridiction extérieure. Israël a déjà conduit des enquêtes de ce type dans le cadre de ses opérations de défense. Ce qu'il avait fait par exemple après l'assaut du ferry Mavi Marmara en 2010 et qui avait abouti à une décision de l'Onu de ne pas sanctionner Israël, puisque son système judiciaire avait mené une enquête sérieuse et impartiale. Mais en aucun cas, Israël n'acceptera d'enquêter sur les implantations de Judée Samarie. Or, pour la Procureure de la CPI, le peuplement juif et la construction en Judée Samarie et à Jérusalem-est, sont des crimes de guerre.
Israël, on le sait, ne reconnait pas la compétence de la Cour Pénale Internationale et n'en est pas membre, contrairement à l'Autorité Palestinienne. Mais il lui sera impossible d'empêcher la CPI d'émettre des mandats d'arrêt internationaux contre ses citoyens. Il y a quelques jours, le ministre de la Défense Benny Gantz, qui était chef d'état-major de Tsahal en 2014, a reconnu qu'il pouvait être visé par de telles mesures et avec lui, quelques centaines d'Israéliens, lors de leurs déplacements à l'étranger. Cela peut concerner des membres du gouvernement, des officiers de Tsahal, voire des élus locaux ou des représentants d'implantations. Pour la première fois, la menace est réelle, et Israël va devoir trouver rapidement le moyen de protéger ses ressortissants concernés.
Pascale Zonszain
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