Difficile de se concentrer sur la diplomatie internationale, quand on a l'esprit occupé par la crise politique et les tractations en vue de former le prochain gouvernement. C'est en partie ce qui explique l'absence de réaction ou de commentaire officiel en provenance de Jérusalem, après la signature samedi dernier à Téhéran de l'accord entre la Chine et l'Iran. Ce qui ne signifie pas pour autant qu'Israël s'en désintéresse. Avec cet accord, les Iraniens vont pouvoir écouler leur production pétrolière et renflouer leur économie, mise à mal par le rétablissement des sanctions américaines. Mais ce n'est pas l'essentiel.
D'abord, il faut rappeler que Pékin et Jérusalem n'entretiennent pas de relations militaires. Leur partenariat est d'abord économique. Le marché chinois est évidemment un débouché important pour l'économie israélienne, en particulier pour son secteur high-tech. Et la Chine de son côté s'est déjà bien implantée sur le marché israélien. Elle a décroché de gros contrats d'infrastructure et d'équipements, et aussi racheté il y a quelques années l'un des plus gros groupes agro-alimentaires israéliens. Ce qui préoccupe surtout Israël, c'est la clause de l'accord sur la coopération dans les domaines militaire et du renseignement, que l'Iran et la Chine ont conclue. Pékin peut doter les Iraniens de nouveaux armements, mais aussi renforcer la coopération militaire et surtout fournir des informations à Téhéran. Et le contenu de l'accord n'a pas été rendu public, laissant la place à toutes sortes de suppositions. Par exemple, les entreprises chinoises sont présentes sur le territoire israélien, notamment dans des secteurs stratégiques, telles que les installations portuaires et les transports. Et ces mêmes entreprises chinoises seront peut-être celles qui s'implanteront aussi en Iran. Ce qui peut représenter une vulnérabilité pour Israël. Et cela avait déjà fait tiquer les Américains, bien avant le rapprochement entre Pékin et Téhéran, notamment à cause de la présence chinoise au port de Haïfa, une place de choix pour espionner les navires de la 6e flotte américaine qui fait régulièrement escale dans le port israélien.
Par ailleurs, en retrouvant un énorme marché pour ses ventes de pétrole, l'Iran escompte bien refaire ses forces économiques et politiques. Dans ce contexte, la signature de l'accord avec la Chine sera un premier obstacle pour les Etats-Unis, quand ils reprendront les négociations avec l'Iran sur l'accord international sur le programme nucléaire iranien, que Washington avait quitté en 2018, sous l'administration Trump. Le président Biden perdra donc une partie de sa position de force, lorsqu'il entamera les pourparlers avec Téhéran, même si la Chine ne souhaite pas non plus voir l'Iran se doter de l'arme nucléaire.
Mais Israël pourrait aussi devenir un enjeu dans les rapports de force entre la Chine et les Etats-Unis. Pékin pourrait exercer des pressions économiques sur Israël, qui pourraient aller contre ses intérêts stratégiques avec les Etats-Unis. Mais dans le même temps, l'accord sino-iranien pourrait à l'inverse rapprocher Washington et Jérusalem. Ce qui parait logique, considérant que c'est l'adversaire numéro un des Etats-Unis qui s'est allié à l'ennemi numéro un d'Israël. Dès qu'Israël se sera doté d'un nouveau gouvernement, ce dossier devra aussi être une priorité de sa politique extérieure.
Pascale Zonszain
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