C’est une disparition qui a marqué l’actualité, la mort du Prince Philip Mountbatten, duc d’Édimbourg, époux de la reine Elizabeth II. Décédé à l’âge de 99 ans, l’homme à l’histoire et à la culture très riches, venait d’une famille brisée. Retour sur le destin de cette famille de la haute aristocratie, devenue famille royale britannique.
Ilana Ferhadian
Des soeurs mariées à des nazies, une mère juste parmi les nations, une enfance solitaire. Le jeune prince Philip a connu des années plutôt compliquées, marquées par des situations familiales difficiles et de nombreux déménagements à travers l’Europe. Né prince de Grèce et du Danemark sur l'île grecque de Corfou, il fut le quatrième enfant et l'unique fils du prince Andrew de Grèce et du Danemark et de la princesse Alice de Battenberg.
Les sœurs de Philip, en relation avec le parti nazi
Alors que Philip grandit et s’engage dans l’armée britannique pendant la Seconde guerre Mondiale, tout le reste de sa famille se construit d'une autre manière. Théodora, Margarita, Cécilie et Sophie, ses quatre sœurs, se marient, et épousent toutes des aristocrates allemands, proches du parti nazi. Cécilie, notamment qui le rejoint en 1937. Elle meurt, quelque mois plus tard, dans un accident d'avion avec son mari et leurs deux fils. Une disparition tragique qui laisse une empreinte assez lourde sur la vie de Philip. L’enterrement de sa sœur, en Allemagne, fera couler beaucoup d'encre plus tard au Royaume-Uni. Et pour cause, cet enterrement donne lieu à des photos compromettantes qui viendront contrarier la famille royale. En 2006, le journal Daily Mail publie des photos gênantes du prince Philip, seize ans à l’époque, entouré de plusieurs hommes en uniforme SS.
Mais Cécilie ne fût pas la seule de la famille à entretenir des liens avec le troisième Reich. Un documentaire diffusé en 2015 sur Channel 4 en Angleterre rapporte que Sophie, en 1935, rencontra aussi Adolf Hitler en grandes pompes, le décrivant comme un "homme charmant et visiblement modeste". Le même documentaire, et un article de Daily Mail montrent une photo de la princesse attablée face au dictateur lors d'un mariage. Preuve en est, le fils de Sophie sera baptisé "Karl Adolf", en hommage à l’homme qui extermina six millions de juifs.
Une mère, héroïne pendant Shoah
Etonnement, la trajectoire de vie de ces femmes pro-nazies sont diamétralement opposées à celles de leur mère, Alice de Battenberg, qui fût elle reconnue comme Juste parmi les Nations pour avoir sauvé une famille juive. Il s'agissait de la famille Cohen, dont le père était membre distingué du Parlement grec. En 1943, éprise d'empathie pour la famille, Alice décide de cacher toute la famille, mettant ainsi à leur disposition un appartement. Une prise de risque importante : l'immeuble d’habitation est alors situé à seulement quelques mètres du quartier général de la Gestapo...
Très méfiants envers l’ancienne Reine, les services allemands convoquent plusieurs fois Alice, qui à chaque fois, invoquant sa surdité, fait semblant de ne pas comprendre leurs interrogations. Plus exemplaire encore, Alice n’évoquera jamais sa bravoure après la guerre, et ses actions bienveillantes, que l'on découvrit bien après sa mort.
Alice de Battenberg n'oublia cependant pas son attachement au peuple juif, demandant par ailleurs à être enterrée à Jérusalem. Si au départ, ses souhaits sont ignorés et qu’elle est d’abord enterrée en Angleterre ; en 1988, ses restes sont finalement transférés dans la crypte familiale au cimetière du mont des Oliviers dans la capitale israélienne. C’est 5 ans plus tard, en 1993 que lui sera enfin remis à titre posthume la qualification de "Juste parmi les Nations" par le mémorial Yad Vashem, l'une des plus hautes distinctions de l’Etat d’Israël.
Les Windsor, antisémites ?
Evoquons à présent l'autre côté de la famille royale, la femme du prince Mountbatten, Elizabeth II, dont la famille conserve quant à elle toujours des traditions très proches des rites juifs. Cependant, chez les Windsor, dans la vie de tous les jours, on ne côtoie pas vraiment la communauté juive.
Dans ce royaume où pourtant les juifs constituent une des plus fortes d’Europe, aucun Juif n'a par exemple jamais été nommé à un poste de responsable à Buckingham Palace. Cette directive remonte précisément au 19ème siècle, puisqu’on sait que la reine Victoria, épouse d’un prince allemand, a longtemps refusé d'anoblir des Juifs éminents. Son Premier ministre favori (premier et unique juif qui fût au pouvoir en Grande Bretagne) Benjamin Disraeli avait d'ailleurs du se convertir à la religion d’État anglicane, pour la sérénité de la Reine.
Un siècle plus tard, dans les 1930, le roi Georges VI et sa femme ne se sont pas distingués de la meilleure des façons. Ces derniers ont soutenu la politique d'apaisement avec Hitler, politique poursuivie par leur Premier ministre, Neville Chamberlain. Certes, par peur du communisme mais aussi par antisémitisme, sans nul doute, une grande partie de la noblesse ne cachant pas ses sympathies pour le mouvement des "blackshirts" du fasciste anglais Oswald Mosley, mari de Diana Mitford, admiratrice d'Adolf Hitler.
Enfin, dans l'histoire de la famille royale, citons également le destin d’Edward VIII, devenu duc de Windsor après son abdication en 1936. Lui aussi soutenait ouvertement le régime nazi. Ce qui reste encore aujourd'hui une ombre au tableau de la famille royale britannique.
Encore tout récemment, un antisémitisme à peine voilé frappait au palais de Buckingham, comme en témoigne dans les années 1990, cette déclaration de la princesse Diana. Lors de son divorce avec le prince Charles, elle reconnaissait alors que son avocat, Anthony Julius, avait été le premier Juif qu’elle côtoyait ! Anecdote aussi drôle que dramatique.
La naissance d’Israël, une épine au pied des Britanniques
La fondation de l'Etat d'Israel marque bien sûr considérablement le royaume anglais. La déclaration Balfour déjà, en 1917 n'est pas bien acceptée par les juifs, et l’animosité des sionistes envers les Anglais est particulièrement forte. Les attaques de l’Irgoun contre des militaires britanniques entre 1945 et 1947 se multiplient, comme la destruction de l'Hôtel King David (qui servait à l'époque de QG à l'armée britannique). L'attaque provoqua la mort de 91 personnes en 1946 et révulsa le roi George VI.
Les traditions des Windsor proches des rites Juifs
Malgré cette animosité tantôt ouverte, tantôt discrète, la famille royale britannique, a tout de même des similitudes assez étroites avec certaines traditions du peuple juif, notamment la circoncision. En effet, bien que de religion anglicane, la famille royale britannique aurait en effet recours à la circoncision depuis au moins 150 ans, et donc tous les garçons de descendance royale seraient circoncis.
George 1er, un Allemand de la dynastie des Hanovre qui conquit le trône britannique en 1714, aurait été le premier circoncis. Ainsi, les fils de la reine Elizabeth, Charles, Andrew et Edward auraient été soumis à cette tradition à leur naissance. En 1948, quand des rabbins revendiquent publiquement la circoncision du prince Charles dans The Jewish Chronicle, journal juif le plus populaire dans le pays, personne chez les Windsor ne dément.
Il faut rappeler que beaucoup de garçons de l'aristocratie, si ce n'est la majorité, étaient circoncis dans les années 1940-1950. Et ce qui est encore plus étonnant, c’est que la tradition exige que ce soit un mohél, celui qui exécute la brit milah dans le judaïsme, qui la pratique.
Les origines de cette circoncision sont intéressantes. Elles dateraient du roi David. Effectivement, les textes de l'Église anglicane attribuent une place importante à David, premier roi de Jérusalem, qu'elle considère comme un ancêtre de la famille royale.
Si on regarde dans le détail, le droit britannique comporte des lois directement issues du judaïsme, comme par exemple le droit d’aînesse et le droit des successions. Enfin, on entend souvent que le terme British vient des mots hébreux "Brit" et "Ich", qui signifie l’homme de l’alliance. En sachant que justement l’alliance est matérialisée par... la circoncision.
Ilana Ferhadian
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