En Israël, l'élection du Premier ministre au suffrage direct n'a peut-être pas duré longtemps, mais elle a durablement influencé le comportement de l'électorat. On se souvient que le système n'a été utilisé que trois fois et qu'il a porté au pouvoir successivement Benyamin Netanyahou en 1996, Ehud Barak en 1999 et Ariel Sharon en 2001. Jusqu'au milieu des années 90, les forces politiques à la Knesset se partageaient entre deux grands partis, un à gauche et un à droite et le reste se répartissait en partis de moyenne importance, généralement un parti centriste laïc, un parti à l'extrême-gauche et les partis religieux, avec en plus quelques petits partis sectoriels et généralement éphémères.
A partir de la réforme qui a séparé l'élection du parlement de celle du Premier ministre, les électeurs ont commencé à séparer aussi leur vote. Pour le chef du gouvernement, on privilégiait les candidats présentés par les grands partis, et pour le parlement, on se sentait libre de choisir un parti plus proche de son idéologie ou de son identité. D'ailleurs certains partis, comme les partis orthodoxes, quand ils faisaient campagne, doublaient leur message d'une recommandation à voter pour le candidat d'un grand parti pour l'élection du Premier ministre. Et c'est pour cette raison que le système a été abandonné, car il avait fragmenté la représentation parlementaire. Pour se donner une idée du problème : en 1992, deux grands partis – le parti Travailliste et le Likoud – pesaient à eux deux 76 sièges sur les 120 que compte la Knesset. En 1999, ils n'en totalisaient plus que 45. Et surtout, le reste des suffrages s'était dispersé sur 17 autres partis. Et on conçoit que pour faire appliquer sa politique, le chef du gouvernement a besoin d'une représentation parlementaire qui lui assure une majorité, et de préférence avec son propre parti en position de force.
Seulement voilà, même après le retour à l'ancien système, où les Israéliens élisent uniquement leur parlement, ils s'étaient habitués à voter pour un petit parti tout en pensant au candidat qui aurait le plus de chances de devenir Premier ministre. Ils comptaient donc sur les partis pour leur dire qui ils recommanderaient pour former le gouvernement. Les grands partis ont continué à perdre en force électorale, au profit de listes plus sectorielles, ce qui a rendu la composition de coalitions de plus en plus difficile. On l'a vu lors des quatre scrutins de ces deux dernières années. Même quand le Likoud et le parti centriste Bleu Blanc ont totalisé près de 70 sièges à eux deux, le reste des mandats était trop dispersé pour permettre à l'un des deux de construire une majorité solide.
Tout le monde est d'accord pour dire que le mode de scrutin doit être réformé pour permettre au régime parlementaire de continuer à fonctionner, mais aucun parti n'est prêt à scier la branche sur laquelle il est assis. Et revenir à l'élection directe du Premier ministre sans changer le reste, ne résoudra pas le problème. Quant à l'option soutenue par Benyamin Netanyahou de reprendre le système juste une fois, pour sortir du blocage actuel, elle peut éventuellement séduire les députés qui n'auront pas à remettre leur mandat en jeu. Mais cela ne rendra pas la prochaine coalition plus sure de durer.
Pascale Zonszain
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